Mention «non fait maison» en restauration : marche arrière sur la proposition de loi d’Olivia Grégoire

Chef qui cuisine dans son restaurant

Pour garantir une plus grande transparence aux consommateurs, et préserver la gastronomie nationale, la ministre Olivia Grégoire a déposé un projet de loi en octobre 2023 pour contraindre les restaurateur.ices d’indiquer sur le menu les plats « non faits maison ». Saluée par certains, décriée par d’autres, cette mesure a suscité moult remous. En revanche, son abandon fin mars 2024 est passé relativement inaperçu. Alors, pourquoi cette proposition de loi a-t-elle été retirée, malgré l’avis favorable de nombreux restaurateurs et consommateurs ? En quoi est-ce si important de manger « fait maison » finalement ? Dans cet article, nous revenons sur les raisons qui ont mené au retrait de cette proposition de loi, et l’importance de manger des plats faits maison pour la santé et l’environnement.

Retour sur le projet de loi de la ministre Olivia Grégoire

En octobre 2023, la ministre Olivia Grégoire a soumis son projet de loi visant à mentionner de façon explicite, d’ici à 2025, si un plat n’a pas été fait maison au sein d’un restaurant. Alors que la mention “fait maison” était auparavant facultative, la mention “non fait maison” serait obligatoire, et toute entorse de la part de restaurateur.ices qui mentiraient sur la provenance de leurs produits serait sanctionnée. 

Les raisons avancées : mieux protéger les consommateurs, et préserver la gastronomie nationale, inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco en 2010.

« C’est aussi bon pour le moral des restaurateurs qui se donnent du mal pour offrir des plats maison à leurs clients, alors que la hausse des prix des produits alimentaires et du coût de l’énergie ne les a pas épargnés », déclare la ministre Olivia Grégoire.

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Une proposition de loi globalement bien accueillie, mais encore perfectible

Au-delà des consommateurs, qui sont en quête de davantage de transparence vis-à-vis de leur alimentation, des chef.fe.s ont également salué cette nouvelle, à l’instar de Philippe Etchebest. Alain Fontaine, le Président de l’Association française des Maîtres Restaurateurs, a déclaré que c’était “une bonne chose”, proposant toutefois d’ajouter plutôt un astérisque qui renverrait à la mention en bas du menu : “C’est moins sanctionnant et plus facile pour les restaurateurs à mettre en place”, a-t-il annoncé. Stéphane Manigold, quant à lui - le Président du groupe Éclore - a déclaré “attendre ce moment depuis longtemps”.

Pour sa part, Thierry Marx, président de l’UMIH, Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, plaide pour un renforcement du label pour que “ceux qui font bien soient récompensés face à ceux qui, parfois, trichent un peu”. Toutefois, il estime qu’un restaurateur devrait pouvoir acheter des produits faits maison par d’autres, comme “acheter une pâte feuilletée chez le boulanger d’à côté”. Il rappelle également que le “fait maison” est parfois “compliqué” à mettre en place, notamment à cause “du sourcing”, “du prix des matières premières” et “du nombre de collaborateurs nécessaires pour faire du “fait maison””. 

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Alors, face à cette mesure globalement plébiscitée aussi bien par les consommateurs que les restaurateurs, pourquoi son adoption a-t-elle été freinée ?

L’abandon du projet de loi : un pas en arrière pour deux pas en avant ?

Malgré les ambitions de ce texte de loi de garantir plus de transparence aux consommateurs ainsi qu’aux touristes, notamment à l’approche des Jeux Olympiques, le groupe Renaissance a dû le retirer fin mars 2024, sous l’impulsion des syndicats de restaurateurs. La principale raison invoquée dans le communiqué de presse de l’UMIH, la CGAD et le GHR ? La tournure négative “non fait maison” : « Nous défendons la qualité et la transparence pour les consommateurs pour toute la filière de la restauration hors domicile, mais nous refusons de faire apparaître une mention négative sur nos cartes ou tout autre support ! ». 

D’après eux, “la proposition de loi initiale soulevait des inquiétudes dont la stigmatisation des plats, des produits et des établissements, une classification injuste de plats traditionnels, ainsi que des répercussions économiques pour un secteur déjà en difficulté”. 

Le dialogue se poursuit donc entre parlementaires, gouvernement, et professionnels du secteur afin de trouver des propositions “plus adaptées et constructives, favorisant la transparence, tout en respectant la complexité de nos métiers”, “sans nuire à la réputation et à la viabilité économique des établissements”. 

Parmi les alternatives, le groupement tripartite propose “la mise en place d’un système d’affichage spécifique, obligatoire et harmonisé, permettant aux consommateurs d’identifier clairement les plats “faits maison” de ceux non faits maison, à partir de produits industriels.”

Thierry Marx, président confédéral de l’UMIH :

« Je comprends parfaitement les préoccupations soulevées par les parlementaires et leur combat contre la malbouffe, cette lutte a mon soutien inconditionnel ! Cependant il est crucial que toute évolution législative et réglementaire tienne compte des réalités de nos métiers. C’est pourquoi nous restons ouverts et engagés en faveur d’un texte positif. »

Franck Chaumes, président de la branche restauration de l’UMIH

« L’abandon de cette proposition de loi ne signifie pas une opposition à la transparence ou à la qualité, bien au contraire : il s’agit d’un appel pour une approche collective, pour atteindre ces objectifs partagés. »

Mohssine Ait Ali, co-fondateur de Musa

« En tant que restaurateur, je crois fermement en l'importance du fait-maison. C'est plus qu'une simple règle pour nous, c'est un engagement envers la qualité et l'authenticité de nos plats. Plutôt que d'abandonner cette exigeance, pourquoi ne pas envisager des mesures alternatives qui encouragent et récompensent ceux qui choisissent de privilégier le fait-maison : incitations, certifications de qualité... Nous restons toutefois optimistes quant à la possibilité de trouver un compromis. »

Mohssine Ait Ali, co-fondateur de Musa

Julia Chican Vernin, co-fondatrice de Maslow

« J'ai toujours été choquée de la différence de traitement entre un produit vendu en grande distribution, pour lequel on va être attentif au nutriscore, aux additifs, aux calories etc., et un produit vendu en restaurant qui pourra facilement être ultra-transformé. Je pense qu'il ne faut pas lâcher l'affaire. Comme toujours, ce sont des lois qui ont été faites et pensées par des gens qui ne viennent pas du secteur, ce qui explique qu'elles ne soient pas forcément pratiques et rencontrent de l'opposition. Je pense que la solution est sociétale : comme en grande distribution, il devrait y avoir une surtaxe des produits ultratransformés. Les consommateurs ne devraient pas avoir à décortiquer les cartes des restaurants : le repas doit rester un moment de plaisir. »

Julia Chican Vernin, co-fondatrice de Maslow

De son côté, le gouvernement regrette cette décision : « La ministre prend acte du retrait de cette proposition de loi qui portait en elle une belle ambition, celle d’une meilleure transparence au service des consommateurs », a indiqué le cabinet de la ministre.

Elle se dit toutefois ouverte à poursuivre les discussions avec les parlementaires et les professionnels.

Affaire à suivre donc…

Mais finalement, pourquoi est-ce si important que ça de manger « fait maison »?

1. Manger fait maison : un cadeau à notre santé

Les liens entre une mauvaise alimentation et les problèmes de santé sont de plus en plus connus. Plusieurs études ont démontré l’impact d’une alimentation ultra-transformée sur les risques d’obésité, d’hypertension artérielle, de maladies cardiovasculaires, de cancers, mais également de dépression, de développement de troubles mentaux, et de détérioration cognitive. Les principaux coupables sont l’ajout excessif de matières grasses, de sucre et de sel, souvent utilisés comme conservateurs. D’après une étude menée par l’ANSES, les ¾ des produits alimentaires en supermarché contiennent au moins un ingrédient sucrant, même parmi des produits salés comme des pizzas. Par ailleurs, d’après l’OMS, 80 % du sel consommé quotidiennement en Europe vient d’aliments transformés.

Ainsi, il est urgent de limiter ces aliments pour préserver sa santé. Et pour cela, rien de tel que d'opter pour des plats faits maison, à partir de produits frais, riches en fibres, en vitamines et en minéraux.

→ Pour en savoir plus sur le rôle de l’alimentation sur notre santé, écoutez notre épisode de podcast #68 avec Charles-Antoine Winter, diététicien nutritionniste.

2. Les avantages du « fait maison » pour l’environnement

En plus d’être néfastes pour la santé, les produits transformés ont également des effets délétères sur l’environnement. En effet, les méthodes de production utilisées sont souvent très gourmandes en eau, en énergie, reposent sur des monocultures abreuvées de pesticides, et génèrent plus d’émissions carbone et de gaspillage alimentaire que si l’on cuisinait sur place.

Préparer les plats soi-même dans sa cuisine, c’est pouvoir choisir des produits bio, locaux et de saison.

Au-delà de ça, prendre le parti des plats faits maison, c’est promouvoir un savoir-faire, un artisanat, et financer des modes d’agriculture et de production plus vertueux et à échelle humaine.

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