Dans les coulisses du Fooding, avec Christine Doublet et Elisabeth Debourse.

Le Fooding, guide de restaurants, chambres, bars, caves et commerces de bouche.

Depuis plus de 20 ans maintenant, Le Fooding se veut être le reflet du « goût de l’époque ».  Fondé par les journalistes et critiques gastronomiques Alexandre Cammas et Emmanuel Rubin, dans les années 2000, ce guide recense dans des chroniques au ton moderne et décalé des restaurants, des hôtels, des chambres d’hôtes, des bars ou encore des commerces de bouche, où l’on peut « se nourrir avec feeling ». D’abord publié en version papier, une version numérique du guide est créée en 2005, puis une application en 2010. Depuis, le Fooding a évolué : en plus d’un guide, le Fooding est devenu un magazine en ligne, proposant des tribunes, articles, podcasts, recettes, portraits de celles et ceux qui font la restauration aujourd’hui. Pour entrer dans les coulisses de ce célèbre guide, Écotable a interviewé Christine Doublet, directrice adjointe du Fooding, et Elisabeth Debourse, rédactrice en chef.

Quel est l’objectif du Fooding aujourd’hui ?

Elisabeth Debourse : Depuis 20 ans, nous avons participé à élever beaucoup de chef.fe.s et contribué à écrire de belles histoires dans le monde de la gastronomie. Aujourd'hui, on essaye de prendre du recul et de nous questionner sur notre rôle et sur ce que l’on souhaite porter pour la cuisine de demain. Notre ambition est désormais de désuperficialiser la gastronomie et la bistronomie. On essaye de travailler la ligne éditoriale du Fooding en ce sens et nous veillons à ce que nos valeurs, qui sont l’inclusivité et l’égalité se retrouvent dans tout ce que nous produisons, que ce soit dans les récits, les enquêtes, les portraits du monde de la restauration, ou encore le best of de bonnes adresses. Car le Fooding reste encore et toujours un défricheur ! On va chercher de nouvelles adresses et de nouvelles personnalités là où on ne nous attend pas, avec toujours un objectif en tête : le plaisir de notre public. 

Comment un restaurant rentre dans le guide du Fooding ?

Christine Doublet : Nous travaillons avec une soixantaine de chroniqueurs répartis à travers la France. C’est généralement eux qui nous font remonter des informations sur les adresses qui vont ouvrir. On surveille également les réseaux sociaux et la presse. Ensuite, on envoie tout simplement quelqu'un enquêter à l'adresse, et si l'expérience est concluante, le restaurant entre dans le guide. Afin de vivre l’expérience exactement comme tous les clients et donc de pouvoir la juger à sa juste valeur, les enquêteurs sont anonymes et nous payons nos additions. Afficher publiquement ce que nous avons mangé et combien nous avons payé permet de crédibiliser nos recommandations !

Pour décider si un restaurant doit être dans le guide, nous n’avons qu’un seul critère : le plaisir. À la fin du repas, l’enquêteur se demande simplement : « Est-ce que j’ai envie de recommander cette adresse à mes proches ? Est-ce que je reviendrai ? ». Si la réponse est oui, l'adresse peut entrer dans le guide, et ce, quelle que soit la catégorie du restaurant. C’est pour ça qu’on ne parle pas de « critique gastronomique » au Fooding. Parce qu’on peut prendre du plaisir en mangeant dans un Kebab, comme dans un restaurant étoilé ! Nous ne faisons pas de critique négative, mais des chroniques qui peuvent être nuancées. C'est une liste non exhaustive. Notre seul objectif est que chaque personne qui se rend dans une adresse Fooding en ressorte satisfaite, quel que soit son budget. Finalement, c’est très simple pour un restaurant de rentrer au Fooding : il faut juste que ce soit bon et qu’on y passe un bon moment. 

Toutes les adresses du guide sont ensuite chroniquées une fois par an, sur un système de roulement. Ce n'est jamais la même personne qui s’y rend d’une année sur l'autre. Le palmarès quant à lui n’a lieu qu’une fois par an et ne concerne que les ouvertures de l'année précédente. Un restaurant qui gagne un prix une année ne pourra pas gagner à nouveau l'année suivante, c'est vraiment une photographie de l'année qui vient de se passer. Quand on entend un super retour d’expérience, on fait plusieurs visites (à la fois des enquêteurs et de la rédaction), afin de décider si oui ou non cette adresse mérite un prix. Nous n’avons ni critère ni quota : la sélection se fait tout simplement au feeling.

Est-ce que le Fooding est un guide engagé ?

Elisabeth Debourse : Plus qu’engagé, le Fooding est concerné. Tous nos questionnements infusent dans chacun de nos articles. Nous ne parlons jamais d'un sujet parce qu'il faut en parler, on le fait parce que ça a du sens pour nous. Par exemple, nous avons publié l'année dernière un article avec Sébastien Brasse, Manon Fleury et Amanda Cohen lorsque le Eleven Madison Park a commencé à faire du 100 % végétalienne. C’est un sujet qui nous parle, parce que nous sommes conscients qu’il faut manger de manière raisonnée, donc privilégier la viande qui n'a pas été élevée à la chaîne, et d’en consommer moins fréquemment. Nous trouvons très bien que les restaurants tendent vers plus de végétal et qu’on puisse aujourd’hui aller dans tout un tas d'adresses sans s’inquiéter des restrictions alimentaires de chaque personne autour de la table. Aujourd’hui, on peut être végétarien et prendre du plaisir en mangeant, ce n’est plus perçu comme une « punition ». D’ailleurs, nous avons lancé « Veggielicious », une rubrique qui propose des recettes végétariennes délicieuses, pour encourager la réduction de produits carnés sans pour autant être moralisateur. Par ailleurs, la majorité des adresses qui sont dans le Fooding sont des adresses indépendantes montées par des personnes engagées et concernées. Cependant, encore une fois, nous n’avons pas de critère de sélection et notre objectif premier reste le plaisir. On ne porte donc pas de jugement de valeur sur les produits utilisés. Tout est une question de modération.

Retrouvez l’intégralité de la rencontre sur le podcast Sur le Grill d’Écotable [Décryptage] - #73 - Dans les coulisses du guide du Fooding.