Rencontre avec Hugo Clément, journaliste engagé pour les causes environnementale et animale

Hugo Clément

Présent sur tous les fronts, réseaux sociaux compris, Hugo Clément a su fédérer autour de lui une communauté de plus d’un million de personnes, lui permettant d’user de sa voix pour faire évoluer les choses en matière environnementale. Retour sur les débuts de son engagement.

C’est au fil de ses expériences journalistiques auprès de médias tels que Le Petit Journal, Quotidien, ou encore Konbini, qu’Hugo Clément s’est démarqué par ses prises de position engagées, faisant des questions environnementales son fer de lance.

Il présente désormais l’émission Sur le Front sur France 5 et intervient tous les mercredis matin sur France Inter, dans l’émission En toute subjectivité, toujours dans l’objectif de sensibiliser la population sur les enjeux liés au changement climatique et à la biodiversité.

Soucieux du bien-être animal et de la préservation des écosystèmes, Hugo Clément a écrit plusieurs livres.

  • Le premier : « Comment j’ai arrêté de manger les animaux » (Seuil, 2019) vise à sensibiliser la population sur l’impact de l’élevage intensif de viande et de poisson.
  • Le deuxième : « Journal de guerre écologique » (Fayard, 2020), met en lumière des femmes et des hommes qui œuvrent pour la défense de l'environnement.
  • Le troisième : « Les lapins ne mangent pas de carottes » (Fayard, 2022), cherche à déconstruire les idées reçues sur les animaux, dans un contexte d'effondrement de la biodiversité.
  • Le tout dernier : « Le théorème du Vaquita » (Fayard, 2023) est un roman graphique dans lequel Hugo Clément nous embarque avec lui dans ses reportages. Le terme vaquita n’est d’ailleurs pas anodin puisqu’il s’agit du cétacé le plus menacé au monde, nom qui l’a inspiré pour son nouveau média : Vakita.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Hugo Clément n’a pas toujours été le journaliste engagé pour l'environnement que l’on connaît aujourd’hui. Ancien carnivore invétéré, il dit lui-même ne pas vouloir incriminer les personnes qui peinent à se tourner vers le végétarisme. Pour lui, le plus important est surtout de prendre conscience des rouages de l’industrie intensive, et de faire nos choix de consommation de façon éclairée. 

Dans cet article, nous vous invitons à découvrir les réalités derrière l’industrie de la viande et de la pêche et à battre en brèche les idées reçues sur le végétarisme.

Qu’est-ce qui t’a poussé à devenir végétarien ?

C’était un cheminement sur plusieurs mois, voire plusieurs années ; il n’y a pas eu un déclic particulier. C’était un ensemble de lectures que j’ai pu faire, notamment le livre de Safran Foer : « Faut-il manger les animaux ? », mais surtout les reportages que j’ai faits dans les élevages industriels, au niveau de la pêche, et dans les abattoirs. Ce sont ces reportages dans le cadre de mon métier qui ont achevé de me convaincre que je n’avais plus envie de participer à mon niveau à cette industrie qui fait souffrir des milliards d’êtres vivants sensibles et qui participe de manière très active à la destruction de l’environnement.

Est-ce que c’est la prochaine étape de devenir végétalien ou vegan ?

L’industrie du lait est très liée à l’industrie de la viande, c'est la même industrie puisque pour produire du lait il faut arracher les veaux à leur mère, les envoyer à l’abattoir à quelques mois... Pour produire des œufs, il faut éliminer systématiquement la moitié des poussins mâles qui ne pondent pas et sont donc considérés comme des déchets pour l’industrie. Donc oui, l’industrie de l'œuf et du lait n’est pas plus vertueuse que celle de la viande ou du poisson.

C’est une petite résistance que j’ai en moi, car c’est à la fois une difficulté gustative de me passer de certains produits laitiers et une difficulté pratique de m’organiser. Inévitablement, j’y viendrai un jour parce que je suis convaincu de l’importance de supprimer les produits laitiers et les œufs pour être en cohérence avec ce que je pense.

Selon moi, il ne faut pas vouloir dicter aux autres ce qu’ils mangent parce que ça ne fonctionne pas et c’est injuste de reprocher des pratiques individuelles alors que la question touche un système qui est en place depuis des siècles et qui est le fruit de traditions, de nécessités.

Culpabiliser les individus pour moi n’a pas beaucoup de sens, c’est pour ça que j’essaie plutôt de parler du système global d’exploitation et de ce que ça implique. L’objectif de ce livre n’est pas de dire que tout le monde doit devenir végétarien du jour au lendemain… Déjà si on arrive à réduire drastiquement notre consommation, sans forcément l’interrompre totalement, on aura réglé une partie du problème auquel on fait face aujourd’hui, le problème climatique, et surtout on aura mis fin à la souffrance de milliards d’êtres vivants.

Est-ce que le consommateur a le pouvoir de faire changer les choses en arrêtant de manger de la viande et du poisson ?

Ce sont les consommateurs qui ont les clés pour mettre fin à ce modèle d’élevage intensif, de pêche intensive.

Ces industries n’existent que parce qu’on achète leurs produits. Si on arrête d’acheter leurs produits, elles s’écrouleront et disparaîtront à terme. Toute offre est soutenue par une demande, c’est un peu une règle de base en économie.

« La carte bleue qu’on utilise tous les jours pour se nourrir est un instrument pour moi bien plus puissant qu’un bulletin de vote que l’on glisse dans l’urne tous les 4-5 ans. »

On fait des choix tous les jours sur ce qu’on a envie de mettre dans notre assiette, et ces choix dictent la structuration de l’industrie. C’est Peter Singer, philosophe fondateur de la question animale, qui dit : « l’industrie de la viande n’a pas besoin de votre approbation, elle a besoin de votre argent ». Je trouve que cette phrase résume très bien le problème. Les industriels de l’agrobusiness n’en ont rien à faire que les consommateurs trouvent que les méthodes d’élevage ne sont pas bien, que ça fait souffrir les animaux, etc. Ce qui compte, c’est ce qu’on fait de notre argent. Et tant qu’on continue à leur donner notre argent, ils auront la capacité de se défendre et de prolonger leur système.

Les flexitariens revendiquent le fait de manger moins de viande pour en manger mieux, est-ce que c’est possible aujourd’hui de vraiment faire le tri et de sélectionner une viande qui aurait été bien élevée, et non issue de l'élevage intensif ?

Il y a deux choses, l’élevage et l’abattage. Pour l’élevage, c’est possible de faire mieux que les élevages intensifs. Mais les élevages non intensifs représentent une goutte d’eau aujourd’hui en France.

  • 95% des cochons sont élevés dans des bâtiments fermés toute leur vie, sans accès à l’extérieur, avec une grande promiscuité.
  • 83 % des poulets de chair qu’on mange viennent d’élevages ultra-intensifs. 
  • 60% des poules pondeuses sont en cage en France.
  • 99% des lapins sont élevés en cage.
  • 90% des cailles, dindes, et tous les autres types de volaille, à part les poulets, sont élevés en cage.

Il ne faut pas tomber dans les chimères publicitaires déployées par les industries agroalimentaires où on a l’impression que tous les poulets, cochons et autres animaux, sont élevés dans un champ, en plein air, etc. Ça ne correspond absolument pas à la réalité. Donc oui, il est possible d’avoir un élevage qui est non-industriel en France, même si c'est très anecdotique. Mais en ce qui concerne la phase d’abattage, que vous achetiez de la viande bio, plein air, que vous achetiez des cochons qui sont issus des 5 % qui ne vivent pas dans des bâtiments fermés, ils vont être abattus dans les mêmes conditions que les animaux issus de l’élevage intensif, ils vont passer dans les mêmes abattoirs. Les enquêtes de L214 l’ont montré à de nombreuses reprises, les abattoirs certifiés bio sont des abattoirs où les horreurs sont les mêmes que dans les autres abattoirs.

C’est très difficile aujourd’hui, si vous mangez de la viande régulièrement, d’échapper à l’élevage intensif. Si vous allez au restaurant, au supermarché, chez le boucher, vous allez acheter de la viande, dans la quasi-totalité des cas, qui provient de l’élevage intensif. 

Pour le poisson, c’est pareil, c’est même pire. 80 % des poissons vendus en supermarché sont issus de la surpêche. Ce n’est pas le petit pêcheur breton avec sa canne à pêche et son ciré jaune qui va au bord de la falaise pour pêcher. La principale manière de pêcher du poisson sans avoir un impact considérable sur le lieu, est d’acheter du poisson qui a été pêché à la ligne, au fusil à harpon, en évitant les espèces protégées.

Que réponds-tu aux gens qui disent que si on devient végétarien, il y aura des carences alimentaires, notamment pour les enfants ?

Je réponds que ce n’est pas prouvé, et que c’est même plutôt l’inverse : on a une alimentation surprotéinée par rapport à nos besoins. 

Aucune étude n’a pu montrer une surreprésentation des carences en protéines dans la population végétarienne et végane. Les protéines, on ne les trouve pas seulement dans la viande et le poisson, on les trouve dans les légumineuses, les oléagineux

Certaines études disent même que globalement, les végétariens et les véganes sont en meilleure santé que la population omnivore, ont une meilleure espérance de vie ; le taux de prévalence de cancers, de diabètes, d'obésité, de maladies cardiovasculaires est inférieur chez les végétariens et les véganes que dans le reste de la population. Il y a encore des débats, mais un faisceau d’études scientifiques tend à montrer que les véganes et végétariens sont au moins en aussi bonne santé que les autres, voire en meilleure santé, donc il n’y a aucun problème à supprimer les produits animaux de l’alimentation. Après, comme dans toutes les alimentations, une alimentation végane et végétarienne doit être équilibrée

Crédit photo : Romain Rigal

→ Pour en apprendre plus sur les impacts de l’industrie intensive de viande et de pêche et connaître les conseils d’Hugo Clément pour avoir une alimentation plus vertueuse pour l’environnement, écoutez son passage dans Sur le Grill d'Écotable, épisode « #14 - Demain, tous végétariens ? Avec Hugo Clément »

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