Un dîner à 4 mains et 6 macarons Écotable
Le 19 novembre dernier, à Giverny dans l'Eure, un dîner très particulier s’est déroulé à La Musardière, restaurant labellisé 3 macarons Écotable. Le temps d’une soirée, le chef du restaurant, Benjamin Revel, s’est associé à Mathieu de Martin Monego, chef du restaurant Le Manoir de Surville pour proposer à leurs convives un repas à quatre mains et 6 macarons Écotable. Retour sur cette initiative.
Comment vous est venue l’idée de ce dîner à 4 mains ?
Benjamin Revel : Je fais souvent ce type de dîner, j’aime beaucoup proposer ça aux chefs que je rencontre. Dès que je sens qu’il y a un bon feeling et que la démarche de la personne me plaît, je lui propose. En restauration, on a tendance à se regarder le nombril, alors que c’est très important de se renouveler, notamment en s’inspirant des autres. Ce sont donc toujours des expériences très enrichissantes. Je connais Mathieu depuis plusieurs années, on se côtoie beaucoup, mais nous n’avions encore jamais cuisiné ensemble. En cette période automnale, à Giverny, il ne se passe pas grand-chose. Cet événement a permis d’animer un peu le coin et de proposer autre chose à nos habitués.
Mathieu de Martin Monego : De mon côté, c’était une première en tant que chef. Au Manoir de Surville, je travaille seul avec une apprentie ; j’avais besoin de sortir un peu de ma cuisine. Ça faisait longtemps qu’on en parlait, alors on s’est lancés. C’était un vrai moment d’échange, très agréable. On est souvent dans nos cuisines, on n'en sort pas tant que ça. Pourtant, on se rend compte que c’est essentiel de s’ouvrir et de voir autre chose.
Comment avez-vous travaillé ?
Benjamin : Mathieu est venu travailler dans notre cuisine toute la journée. Nous avons fait un 6 temps : chacun une entrée, un plat, un dessert. On a des univers très différents, il a l’habitude des tables étoilées et moi, je n’ai jamais travaillé dans un restaurant gastronomique. C’était très intéressant de voir que, pour autant, nous n’avons pas une manière si différente de travailler, de choisir les produits, de les approcher… Le fait qu’on ait le même engagement a beaucoup aidé, je pense. Par exemple, dans mon établissement, on n’utilise pas de chocolat. Je fais beaucoup de desserts à base de légumes. Très naturellement, Mathieu s’est dirigé vers un dessert avec du céleri. C’est totalement quelque chose que j’aurais pu faire ! J’ai parfois fait des 4 mains avec d’autres collègues au cours desquels les clients arrivaient facilement à discerner qui avait cuisiné quoi. Là, ceux qui connaissaient nos deux cuisines n’arrivaient pas à faire la différence. Cela vient sûrement de notre engagement commun. On utilise tous les deux 100 % des produits, on les décline en différentes cuissons, différentes textures, différentes recettes… Grâce à cette approche, il y avait une vraie cohésion dans notre menu.
Mathieu : Quand je suis arrivé dans sa cuisine, on avait quelques idées, mais rien de défini. J’ai découvert ses produits, ce qu’il y a avait à disposition. Devoir composer à partir de produits qui ne sont pas les nôtres, ça pourrait passer pour une contrainte, mais ça pousse au final à plus de créativité. Le menu a progressé tout au long de la journée, on a beaucoup échangé avec ses équipes. À force de goûter et de discuter, il s’est construit petit à petit, c’était génial.
Benjamin : Le fait qu’il utilise mes produits m’a permis de lui présenter certains producteurs avec lesquels je travaille. Souvent, dans la restauration, les fournisseurs, c’est comme les recettes : c’est confidentiel. Moi, c’est tout l’inverse. Mon but, c’est de soutenir les producteurs et d’encourager un maximum de restaurateurs à adopter une démarche écoresponsable. Je trouve ça très bien si les autres restaurants du coin travaillent avec les mêmes fournisseurs que moi, ça les aide à développer leur entreprise et à promouvoir leur démarche engagée.
Mathieu : C’est aussi ma vision. Au Manoir, on communique la liste de nos fournisseurs à nos clients. Je trouve ça dommage qu’on soit les seuls à avoir le privilège de travailler leurs produits, et comme certains s’ouvrent aux particuliers, je fais passer le mot pour que tout le monde en profite. Je trouve vraiment dommage qu’habituellement ce soit si opaque. Et, personnellement, quand j’arrive dans un restaurant, si je ne sais pas d’où viennent les produits, ça me pose un peu un problème.
Quel est le bilan de cet événement ?
Benjamin : Les retours des clients ont été super positifs ! On avait fait une table unique, avec les quarante couverts, qui traversait tout le restaurant en serpentin, c’était hyper chaleureux. Comme les gens se connaissaient parfois un peu de vue, ça a créé du lien, c’était une parenthèse de convivialité, ils ont adoré. Cuisiner à quatre mains permet de proposer à la clientèle qui nous connaissait déjà une nouvelle expérience, d’élargir ses horizons. Ça a aussi attiré des clients qui n’étaient jamais venus, et donc de les sensibiliser à notre démarche. C’est aussi une belle manière de former les équipes en apportant des compétences externes. Tout le monde est gagnant !
Avez-vous d’autres projets ?
Benjamin : J’ai pas mal de collègues qui viennent de s’installer dans la région et qui ont une démarche engagée, j’ai envie de créer un événement autour de l’écoresponsabilité, de la solidarité, et de l’échange d'idées. C’est un département assez individualiste, les gens sont un peu timides, je pense que ça peut être une bonne chose d’organiser une rencontre pour créer du lien. J’aimerais que cette collaboration serve de base pour initier cet événement.
Mathieu : L’expérience a été très concluante. On ne peut pas faire ça tout le temps, car c’est quand même une organisation, mais en tout cas, c’est à refaire !