Secteur de l’Hospitalité et crise climatique et environnementale  : un double impact que l’on ne peut plus ignorer

Avec ses paysages et ses climats variés, la France attire près de 100 millions de visiteurs internationaux chaque année. Elle se positionne ainsi comme étant la première destination touristique mondiale depuis les années 80 et représente un secteur majeur de l’économie nationale, générant des dizaines de milliards d’euros chaque année et près de 2 millions d’emplois directs (source : Ademe). Pourtant, ce secteur, intrinsèquement lié à l’environnement, nuit considérablement à ce dernier de part son activité et la population qu’il draine. Ainsi, le secteur de l’hospitalité, englobant la restauration, l’hôtellerie et les services touristiques, se trouve au cœur d’une relation complexe avec la crise climatique et environnementale. Non seulement il subit de plein fouet ses conséquences, mais il en est également l’un des contributeurs majeurs. Cet article explore les effets du changement climatique sur les entreprises de l’hospitalité, leur rôle dans la dégradation environnementale et les solutions pour un avenir plus durable. 

Les impacts du changement climatique sur l’hospitalité

Approvisionnements alimentaires perturbés

L’augmentation des températures, les sécheresses prolongées et les événements climatiques extrêmes perturbent la production agricole mondiale :

  • Baisse de la disponibilité des produits locaux : En France, les récoltes de fruits et légumes subissent une baisse de rendement estimée entre 10 et 20 % en raison des vagues de chaleur et des sécheresses répétées (source : Ministère de l’Agriculture).
  • Flambée des prix alimentaires : L’index FAO des prix des denrées alimentaires a augmenté de 14 % en 2022, touchant particulièrement les produits de base comme les céréales, essentielles à de nombreux plats proposés en restauration. 

Pression accrue sur les ressources en eau et énergie

  • L’eau : une ressource critique en danger : Le secteur de l’hospitalité consomme en moyenne 15 % de l’eau utilisée dans les activités commerciales. Une part importante des établissements hôteliers, notamment dans les régions arides ou sujettes à des sécheresses, font face à des défis croissants liés au stress hydrique.  Selon l’UNESCO, les vagues de sécheresse en Europe pourraient réduire la disponibilité en eau de 20 à 40 % d’ici 2050. Les pénuries d’eau affectent particulièrement les hôtels et les restaurants, où cette ressource est essentielle pour les cuisines, les sanitaires et le nettoyage. Jusqu'à 45 % de la consommation d'eau des hôtels proviennent des chambres (douches, toilettes) et 25 % des activités de cuisine et restauration.
  • Coût de l’énergie en hausse : Les entreprises doivent également composer avec une augmentation des coûts énergétiques, aggravée par des besoins en climatisation ou en chauffage plus importants. Par exemple, la climatisation dans les zones touristiques représente 30 à 50 % de la consommation énergétique d’un hôtel moyen (source : ADEME).

Chute de l’attractivité des destinations touristiques

Les conséquences du réchauffement climatique sur les destinations touristiques sont visibles : 

  • Littoraux menacés : La montée du niveau de la mer menace 30 % des plages de sable en Méditerranée d’ici 2050 (source : GIEC). À titre d’exemple, 2200 campings français sont actuellement menacés par l'érosion du littorial.
  • Saisonnalité en déclin : Les stations de ski européennes perdent 20 jours de neige en moyenne chaque décennie, réduisant leur attractivité pour le tourisme hivernal. En Europe, les Alpes ont perdu près d’un mois d’enneigement ces 50 dernières années. La situation est tout aussi inquiétante dans les Pyrénées, et selon les projections scientifiques, la tendance serait irréversible. D’ici 2050, le manteau neigeux aura encore perdu 10 à 40 % de son épaisseur et l’enneigement sera réduit de plusieurs semaines, en moyenne montagne, et ce quelle que soit la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère (source : Météo France).
  • Zones désertées : Dans certaines zones, les vagues de chaleur ou encore la prolifération d’algues toxiques, ou très odorantes comme les sargasses, impactent directement la fréquentation touristique.

L’hospitalité : un secteur contributeur au de la crise climatique et environnementale 

Une empreinte carbone significative

Si le secteur de l’hospitalité souffre du dérèglement climatique, il en est pourtant largement contributeur. Selon le World Travel and Tourism Council (WTTC), il est responsable de 8 à 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, via :

  • La production alimentaire (30 % de l’empreinte totale).
  • Les transports touristiques.
  • Les consommations énergétiques des établissements (éclairage, eau chaude, équipements).

Hospitalité et biodiversité : un impact sous-estimé

Si le secteur de l’hospitalité est souvent pointé du doigt pour son empreinte carbone, son influence sur la biodiversité est tout aussi préoccupante. Le dernier rapport de l’IPBES souligne que le déclin accéléré des écosystèmes naturels est étroitement lié aux activités humaines, comprenant celles du tourisme et de la restauration. Parmi les impacts les plus marquants, on peut citer :

  • Artificialisation des sols : La construction de complexes hôteliers, de stations balnéaires ou de pistes de ski empiète sur les habitats naturels, détruisant des écosystèmes essentiels. Par exemple, l'aménagement des littoraux en Méditerranée a entraîné une perte considérable de zones humides, qui sont des refuges pour une biodiversité exceptionnelle.
  • Surexploitation des ressources : Le secteur met une forte pression sur les écosystèmes marins et terrestres. La demande croissante de produits de la mer, par exemple, pour répondre aux attentes des touristes contribue à la surpêche, mettant en danger certaines espèces.
  • Pollution générée : Les déchets plastiques des établissements touristiques et les eaux usées mal traitées contaminent les sols, les rivières et les océans, mettant en péril la faune locale. En Méditerranée, par exemple, le tourisme est responsable de près de plus de la moitié des déchets plastiques retrouvés dans la mer chaque été.
  • Introduction d’espèces invasives : Par le biais des échanges internationaux, certaines activités touristiques favorisent l'introduction d'espèces exotiques qui menacent les écosystèmes locaux, comme les algues envahissantes ou les insectes nuisibles.

Gaspillage alimentaire : une urgence à résoudre

En France, la restauration produit chaque année environ 1,6 million de tonnes de déchets alimentaires (source : ADEME). La production et la consommation alimentaires impactent de manière considérable l’environnement. En effet, le secteur agricole représente 21% des émissions de gaz à effet de serre en France, 36% si l’on comptabilise l’ensemble des activités agricoles et alimentaires, comme la fabrication des emballages ou le transport. Le gaspillage alimentaire représente ainsi à lui seul 3% des émissions de gaz à effet de serre de l’activité nationale et implique une quantité d’eau considérable gaspillée dans la production de ces aliments. Or, un tiers de ces pertes pourrait être évité avec une meilleure gestion des stocks, une sensibilisation accrue des équipes ainsi que de la clientèle. La loi AGEC qui impose désormais le tri et la valorisation des biodéchets devrait cependant aider à réduire largement la part de gaspillage alimentaire, en encourageant les restaurateurs à utiliser les produits dans leur entièreté et à mieux gérer leur stock. Cependant, une prise de conscience collective reste urgente pour venir à bout de ce fléau.

Une charte d’engagement pour l’eau

Le secteur de l’hôtellerie-restauration s’est engagé fin juillet 2023 en faveur d'une gestion responsable de l'eau, en signant la charte « Plan sobriété eau » visant à réduire de 10 % la consommation en eau de leurs secteurs d’ici 2030 par rapport à 2022. Cette initiative a été pensée en collaboration avec les pouvoirs publics et s’intègre dans les objectifs énoncés par le gouvernement. Parmi les signataires, on retrouve le GHR, l’UMIH, le GNC ou encore la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air et le Syndicat National des Résidences de Tourisme et des apparthotels. Elle concerne principalement le secteur de l’hôtellerie et de la restauration mais est élargie aux hébergements touristiques, comme les campings. Si le secteur semble conscient de son impact et des conséquences, et qu’il montre une volonté d’agir, il reste urgent d’accélérer les efforts.

Pourquoi agir maintenant ?

Le secteur de l’hospitalité, souvent perçu comme un vecteur de plaisir et de dépaysement, doit devenir un acteur du changement. Agir pour la durabilité, c’est :

  • Réduire les coûts opérationnels : Moins de gaspillage alimentaire, une meilleure gestion de l’eau et de l’énergie se traduisent directement par des économies financières.
  • Répondre aux attentes des consommateurs : 73 % des voyageurs dans le monde déclarent vouloir privilégier des établissements durables (source : Booking.com, 2023).
  • Se préparer aux régulations : Les lois telles qu’Egalim II en France imposent déjà des contraintes en matière de lutte contre le gaspillage et d’approvisionnement durable.
  • Assurer la pérennité du business : Le secteur de l’hospitalité doit prendre soin des ressources et du cadre qui leur permet d’exister.

« Il n’y a pas de business sur une planète morte » David Brower - Ecologiste 

Solutions concrètes pour une transition durable

  1. Transport : réduction des émissions de gaz à effet avec la mise en place de solutions de transport durables pour se rendre sur place.
  2. Approvisionnement responsable : soutenir des filières durables et locales en réduisant la dépendance aux produits d’importation ou issus de l’agriculture conventionnelle.
  3. Optimisation des ressources : investir dans des équipements moins énergivores, comme des lave-vaisselle économes en eau, ou des systèmes de récupération des eaux usées.
  4. Formation des équipes : sensibiliser le personnel aux pratiques écoresponsables : limiter les déchets, adapter les portions et optimiser l’utilisation des ressources. 
  5. Mesure d’impact environnemental et labellisation : faire appel à des professionnels de la restauration durable tels que Ecotable pour bénéficier d’un accompagnement sur mesure permettant une transition écologique efficace, et l’obtention d’une certification valorisante aux yeux de la clientèle.

« 30 % des consommateurs privilégient désormais les établissements écoresponsables, signalant un changement significatif dans les priorités du secteur* »

Le changement climatique n’est plus une menace lointaine. Il transforme déjà en profondeur les pratiques et la pérennité des entreprises du secteur de l’hospitalité. Mais chaque défi porte en lui une opportunité. En adoptant des pratiques durables dès aujourd’hui, les professionnels peuvent non seulement réduire leur impact, mais aussi renforcer leur résilience et attirer une clientèle toujours plus sensible à ces enjeux.

*source : https://www.extencia.fr/chiffres-cles-restauration

Photo de Zoshua Colah sur Unsplash