Faire rimer Palace et écoresponsabilité, le défi du chef Amaury Bouhours
Dans l'univers de la gastronomie haut de gamme, peu de lieux peuvent prétendre à l'excellence d'un Palace. Et lorsque l'excellence culinaire se combine avec un engagement écoresponsable, cela crée une expérience véritablement unique. C'est précisément le cas du Restaurant le Meurice Alain Ducasse, situé en plein cœur de Paris, qui a été le premier restaurant de Palace à être labellisé par Écotable. En cuisine, c’est Amaury Bouhours, un jeune chef passionné promouvant une cuisine d'aspérités, qui mène la danse. C’est à lui et à ses équipes que ce prestigieux établissement doit ses trois macarons Écotable, obtenus haut la main depuis deux ans, preuve d’un engagement de taille. Nous sommes allés à sa rencontre pour qu’il nous explique comment l’écoresponsabilité trouve sa place dans un établissement de cette envergure.
Bonjour Amaury. Vous êtes arrivé au Meurice en 2016 en tant que chef cuisinier et vous êtes chef exécutif depuis 2020. Avant votre arrivée, quel était le rapport du Meurice avec l’écoresponsabilité ?
D’une certaine manière, il y a toujours eu une démarche écoresponsable. C'est quelque chose qui est dans l'ADN du chef Alain Ducasse ! On ne parlait pas réellement d’écoresponsabilité à la base, c’était plus la notion de proximité avec les producteurs, de sourcing et du respect des produits. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, on a une réflexion encore plus poussée qui nous permet de mettre un nom sur notre démarche.
Et vous, quel était votre rapport à l’écoresponsabilité ?
Personnellement, j’ai eu un véritable déclic au cours de cette période de COVID durant laquelle, avec mon équipe, nous avons pris le temps d'aller voir les producteurs, de nous pencher un peu plus sur ce qu’on pouvait faire de mieux, tant pour le restaurant que de manière générale, pour faire avancer les choses.
Quelles actions concrètes Le Meurice a-t-il mises en place pour être écoresponsable?
La toute première action que j'ai personnellement mise en place, c’est d'arrêter les bouteilles d'eau en plastique. On a donné des gourdes à toute l’équipe, avec leur nom dessus, et on a mis en place des fontaines à eau. On fait un gros travail aussi sur les emballages, le polystyrène et les cartons des livraisons de produits. Aujourd'hui, c'est encore un peu compliqué d’être performant dans ce domaine-là, mais on y travaille énormément.
Vous venez d’être labellisés 3 macarons pour la seconde année consécutive, pourquoi avez-vous choisi d'être accompagné par Écotable ?
En fait, on voulait vraiment mettre un sens et des actes à nos paroles. C’était important pour nous que quelqu'un nous accompagne et certifie ce qu’on disait. Le but était vraiment d’aller au bout du process’ et d’avoir quelqu'un qui nous fasse grandir dans toute cette aventure-là.
Retrouvez le passage d'Amaury à l'occasion de la labellisation du Meurice Sur le Grill d'Écotable ↓
Dans un établissement aussi prestigieux que Le Meurice, comment parvenez-vous à concilier les désirs de la clientèle et la démarche écoresponsable ?
On a la chance d’avoir un super directeur de salle, Olivier Bikao, qui sait expliquer et guider le client. C'est-à-dire qu’il va le sensibiliser à la saisonnalité, à la notion de maturité des produits, etc. Il y a donc une approche en amont auprès du client qui est super bien faite et qui me facilite grandement la tâche. On peut l'aider, l'aiguiller selon ses goûts si nos propositions initiales ne lui conviennent pas, mais toujours en fonction de ce qu'on a à disposition. Bien sûr, parfois, il peut y avoir certaines frustrations. C'est vrai que c'est compliqué : aujourd'hui, on est dans un monde de mondialisation où les choses sont un peu banalisées. Tout le monde veut manger de l'avocat, tout le monde veut manger une salade tomates/mozzarella toute l'année. Dans notre restaurant gastronomique, c'est beaucoup plus facile de travailler de manière écoresponsable, parce que les clients viennent pour vivre une expérience, donc on peut facilement leur expliquer le concept. Sur la partie hôtel, avec notamment le service en chambre, c'est un peu plus complexe de se faire entendre.
Vous avez atteint le plus haut grade du label Écotable. Est-ce que vous comptez aller encore plus loin dans votre démarche ?
Oui, bien sûr, on a sans cesse envie de s'améliorer. Je parlais tout à l’heure de la gestion des déchets : tous ces emballages, c'est vraiment quelque chose qui me préoccupe et qui préoccupe tout le groupe Dorchester Collection, auquel appartient Le Meurice. Nous avons un objectif zéro plastique, zéro déchet, mais il existe aujourd’hui une contrainte évidente : on a besoin de plastique pour répondre aux contraintes hygiéniques… Autour de ce sujet, et d’autres, il reste encore des progrès à faire.
Il y a aussi encore un gros travail à faire autour de l'approvisionnement. La complexité pour nous, c'est qu'on est à Paris qui est la place centrale du marché international. Il n'y a pas longtemps, j'étais en Corse et on me racontait que les clémentines corses sont d’abord acheminées à Paris pour qu'on fixe le prix et ensuite elles sont rapatriées en Corse et distribuées dans toute la France. C’est comme ça pour beaucoup de matières premières. Je trouve ça hallucinant : on parle de développement durable et d’écoresponsabilité, mais même sur des marchés locaux, ça passe forcément par Paris. Face à ce problème, nous essayons de développer toujours plus ce lien humain, qui est très important pour moi, avec les producteurs, de trouver comment on peut améliorer les choses pour eux comme pour nous, et de travailler encore plus main dans la main avec eux au quotidien.
En tant qu'établissement prestigieux, quel message souhaites-tu transmettre à d'autres restaurants et établissements de luxe qui souhaitent s'engager dans une démarche écoresponsable?
Il me semble que tout le monde, enfin la plupart du moins, travaille avec de beaux produits, bien sourcés. Je pense que c'est bien de mettre ça en valeur, de citer les producteurs et les gens avec qui on travaille quotidiennement. Il faut aider la gastronomie française, en créant une vraie communauté, avec le secteur de l’agriculture, de la pêche, le domaine viticole, ou encore celui de l'art de la table. Il faut les aider à rayonner, les faire briller, c’est ça qui est important, je pense.
Le mot de la fin ?
Ce projet d’écoresponsabilité, c’est un projet qui a été construit à plusieurs. Donc je voudrais remercier tous les gens qui m'ont aidé et qui m'ont soutenu dans cette démarche-là. On est le premier Palace à avoir cette certification-là, donc c'est super, et j'espère que d'autres nous suivront. Notre but n’est pas de donner une leçon, mais d'apporter notre contribution, à notre échelle. Nous ne faisons pas ça pour dire “on est les meilleurs”, ce n’est pas politique non plus, c’est juste quelque chose qui est bien pour le monde de demain, donc qu’il est important de faire.
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