Grippe aviaire : volailles, éleveurs, consommateurs, tous concernés
La France traverse depuis plus d'un an l'épidémie de grippe aviaire "la plus dévastatrice" qu'elle ait connu. Cette maladie, parfois surnommée "peste aviaire" ou "Ebola du poulet", provoque chaque année la mort de millions d’oiseaux par infection ou abattage. Pour stopper le virus, l'Etat multiplie les plans de biosécurité qui consistent à abattre les animaux infectés ou risquant de l’être et à confiner les élevages. Véritable fléau économique et social, la propagation incontrôlable de cette maladie soulève alors de nombreuses questions. Qu'en est-il du bien-être animal ? Qu'adviendra-t-il des éleveurs ? Doit-on remettre en cause le système d'élevage intensif ? Quels sont les impacts directs pour le consommateur ?
- Après une saison 2021-2022 difficile, on compte cette année 50 millions de bêtes abattues, des centaines d’éleveurs en difficulté financière et des millions d’oiseaux sauvages morts.
- En comparaison : C’est presque trois fois plus de foyers et plus de quatre fois plus de volailles abattues que lors de la crise de l’hiver 2020-2021.
- La filière estime une baisse de 50% des volumes de production.
- Pour la première fois, les Pays de la Loire sont durement touchés. Or, près des trois-quarts des canetons proviennent de cette région, certains spécialistes estiment "qu'il faudra minimum quinze mois avant de retrouver une situation normale".
À écouter : L'épisode - #70- "Dinde, chapon, foie gras… La fausse bonne idée des repas de fêtes ?" de notre podcast "Sur le Grill d'Écotable"
Qu'est-ce que la grippe aviaire ?
- La grippe aviaire (également appelée « influenza aviaire » ) est une infection respiratoire des oiseaux due à des virus Influenza de type A, dont les variants changent régulièrement.
- Elle touche tous les oiseaux que ce soit les espèces sauvages, les oiseaux marins et migrateurs, et même les oiseaux domestiques. Néanmoins, chez certaines espèces, les risques de maladie et de mortalité sont plus élevés. Parmi elles, on retrouve les canards, les oies, les cygnes, les mouettes, les goélands, mais aussi les rapaces et les échassiers.
- Lorsqu'ils sont d’un type hautement pathogènes, les virus de la grippe aviaire sont extrêmement contagieux. Au début d’une épidémie, ils se transmettent des oiseaux sauvages aux oiseaux domestiques par contact direct. Ensuite, il peut y avoir transmission entre les élevages par le biais du matériel, des éleveurs, des roues des véhicules, des fientes ou encore du fumier.
- Certains virus Influenza peuvent aussi infecter l'Homme ou d'autres animaux, comme par exemple les porcs.
Pas de demi-mesures
Dès qu'un foyer est détecté, les autorités mettent en place des mesures de police sanitaire : abattage de l'ensemble d'un élevage et, si nécessaire, abattage préventif des animaux dans un périmètre défini par arrêté préfectoral (entre 3 km et 10 km) ; nettoyage et désinfection des foyers ; interdiction des mouvements de volailles dans des Zones de Protection (ZP) et de Surveillance (ZS) définies autour de ces foyers. Les abattages préventifs massifs, qui consistent à mettre à mort des volailles saines, ont entraîné la mort de plus de 21 millions de bêtes. Les conditions de mise à mort de ces animaux ainsi que leur enfermement sur une longue durée sont aujourd'hui des mesures très controversées d’un point de vue éthique, et nombreux sont ceux qui remettent en cause leur efficacité.
Claustration totale en bâtiment pendant de longues périodes des volailles. L214 - Éthique & Animaux
Les volailles : premières victimes des mesures mises en place
Contamination, claustration totale en bâtiment pendant de longues périodes ou abattage d'individus sains, c'est le tragique destin des volailles depuis maintenant plusieurs années. La gestion de l'épidémie soulève donc de vraies questions sur le bien-être animal. Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce sont aujourd'hui les volailles des petits producteurs, dont le système est basé sur l’accès à l’extérieur, qui semblent les plus impactées par ces réglementations. En effet, elles se retrouvent parfois dans des bâtiments inadaptés à un enfermement permanent, ce qui engendre des cas de picage et une augmentation du taux de mortalité. Ces conditions de vie augmentent leur stress et fragilisent leur système immunitaire, ce qui les rend plus vulnérables aux maladies et augmente les risques de contamination à la grippe aviaire.
Le cauchemar des éleveurs
" Il y a un impact psychologique fort, notamment pour les éleveurs qui se retrouvent foyers ou zones de protection, car abattre tous ses animaux est un événement traumatisant " affirme Nathalie Feugeas. (Source : France 3 Haut de France)
Des conséquences économiques
Les éleveurs connaissent des pertes économiques importantes, selon l'Itavi (L'Institut Technique de l'Aviculture), la grippe aviaire aurait coûté 500 millions aux filières volailles en 2021. Ces pertes sont notamment dues au fait que lorsqu'un pays connaît une épidémie de grippe aviaire, il perd son statut de « pays indemne » et ne peut alors plus exporter de produits issus des oiseaux d’élevage : carcasses, foies gras, etc. Pour faire face à cette épidémie, l'Etat met en place des mesures sanitaires drastiques très contraignantes, notamment pour les petits éleveurs. En effet, petites exploitations familiales, élevages industriels, tout le monde est logé à la même enseigne, or les structures des petites exploitations ne sont pas adaptées à ces nouvelles règles de biosécurité. Malgré une baisse d'activité et de revenus, ils sont donc dans l'obligation de faire de nouveaux investissements coûteux pour les respecter. Soucieux du bien-être de leurs bêtes et de la qualité de leurs produits, ces éleveurs, contraints d’abandonner le mode d’élevage alternatif qu’ils ont choisi, ont la sensation qu'on leur impose une disparition du savoir-faire des exploitations en plein air. En attendant les aides de l'Etat, les difficultés financières et les problèmes d'ordre éthique poussent de nombreux producteurs à jeter l’éponge.
Des conséquences psychologiques
Au-delà du fléau économique, la gestion de ce virus a de réelles conséquences psychologiques pour les professionnels d'élevage de volailles, car l'épidémie de grippe aviaire s'ajoute à une longue liste de contraintes : l'inflation, le coût des aliments, la pénurie de poulets, etc. Face à l'incertitude de la situation, ils vivent donc dans la crainte quotidienne, "C’est beaucoup d’inquiétude, on ne sait jamais comment ça va se passer dans les jours qui viennent. C’est anxiogène", confie Ludovic Williot, chef d’une exploitation agricole à Masny dans le Nord, à la journaliste Leslie Larcher pour France 3 Hauts-de-France. Le risque de devoir abattre tout leur élevage pèse ainsi sur les épaules d'éleveurs impuissants, ce qui a "un impact psychologique fort, notamment pour les éleveurs qui se retrouvent foyers ou zones de protection, car abattre tous ses animaux est un événement traumatisant" affirme Nathalie Feugeas.
Des œufs « plein air » auraient dû perdre leur appellation.
Des étiquettes loin de la réalité et des consommateurs dupés
Le consommateur ne peut plus se fier aux étiquettes. L'épidémie ayant obligé les éleveurs à confiner leurs élevages, jusqu'à "8 mois sur 12" pour certaines régions, selon le cahier des charges une grande partie des œufs « plein air » auraient dû perdre leur appellation. Pourtant, dans les rayons, les emballages mentionnent toujours « Label rouge », « fermier », « élevé en plein air » ou « liberté ». Par souci de transparence envers le consommateur, les vendeurs ont aujourd'hui l'obligation d'afficher à l'entrée du magasin, au rayon des œufs et sur les sites de vente en ligne, un écriteau indiquant "poules élevées en plein air (codes 0 et 1) momentanément confinées à la demande des autorités", mais cette règle n'est pas toujours respectée. De plus, aucune baisse de prix des produits sous label, n'a jusqu'alors été constatée. Le consommateur paie donc plus cher un produit qui ne tient pas sa promesse de qualité, un mode d’élevage avec accès à l’air libre.
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Quel rôle joue-t-elle dans la propagation du virus ?
Le foie gras est le produit d'un dysfonctionnement du foie, provoqué chez les canards et les oies par une suralimentation forcée, que l'on appelle "le gavage". Dans cette industrie, la majorité des exploitations sont des élevages intensifs, ce qui signifie que des milliers d'oiseaux sont regroupés sur des petites surfaces, sans accès à l'extérieur. Ces animaux sont donc élevés dans des conditions qui provoquent du stress et qui fragilisent leur système immunitaire, les rendant ainsi plus vulnérables aux maladies et par conséquent à la grippe aviaire. Enfin le système même de cette industrie, "compartimentée en différents ateliers : élevage, gavage, abattage", engendre de nombreux flux favorisant la propagation du virus. L'élevage avicole intensif réunit donc toutes les conditions pour favoriser la mutation virale et la transmission de la grippe aviaire.
Les conséquences directes de l'épidémie sur l'industrie du foie gras
Selon le CIFOG (Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras), la production de foie gras devrait baisser d’environ 30 % à 35 % en 2022, mais pour quelles raisons ?
Les éleveurs de l'industrie du foie gras font aujourd'hui face à une double difficulté : se fournir en canetons mâles et garder leur élevage sain. En effet, depuis 20 ans, seuls les canards mâles étaient soumis au gavage. Les canards mulards ont notamment été privilégiés pour des questions de rentabilité, leur foie étant plus gros. Mais avec l'épidémie de grippe aviaire, des millions d'oies et de canards mulards ont été abattus. La logique voudrait donc qu'il y ait moins de foie gras dans les rayons pour les fêtes. Alors pour pallier ce manque à gagner, les éleveurs se sont rabattus sur les canes. D'après Reporterre, cette année, "sur les 20 à 22 millions de canards élevés pour faire du foie gras, un tiers sont des canes". Mais cette solution est loin d'être idéale pour les producteurs. Le foie des canes est en effet de moins bonne qualité, plus veiné, seul 40 % du foie peut être exploité. De plus, le risque d'oxydation lors de la cuisson est plus élevé, ce qui peut altérer son goût. Le produit star des repas de fête se fera donc plus rare et plus cher.
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