Néonicotinoïdes : la France contrainte de renoncer aux pesticides utilisés pour les semences de betteraves sucrières

Des betteraves sucrières

C’est une grande victoire écologique : après plusieurs années de débat, la Cour de justice de l'Union européenne vient d’annoncer que les États membres de l’Union européenne ne peuvent pas déroger à l’interdiction des pesticides contenant des néonicotinoïdes au regard du danger important qu’il représente pour l’environnement et la santé humaine. La France doit donc renoncer à l’autorisation qu’elle avait prévue de prolonger pour l’utilisation des néonicotinoïdes sur les cultures de betteraves sucrières. Décryptage de cette information.

Dates clés :
  • 2018 : interdiction des néonicotinoïdes en Europe due à son impact néfaste sur la biodiversité et la santé humaine ;
  • 2020 : à la suite de destructions massives des cultures de betteraves sucrières par des colonies de pucerons porteurs de la jaunisse, la France et dix autres pays européens mettent en place des dérogations pour l’utilisation des pesticides par les exploitants ;
  • 2021, 2022 : les dérogations perdurent ; 
  • 2023 : alors que le gouvernement français s'apprête une nouvelle fois à autoriser l’utilisation des pesticides, la Cour de justice européenne annonce qu’elle jugera désormais illégale toute dérogation concernant ces substances toxiques.

Un impact désastreux sur la biodiversité

Créés dans les années 90 comme une alternative préférable aux substances plus toxiques alors utilisées en agriculture, les néonicotinoïdes étaient jusqu’à présent les pesticides les plus utilisés au monde. Les producteurs de betteraves sucrières s’en servent notamment contre les pucerons, porteurs de maladies qui détruisent leurs récoltes. Ces produits attaquent directement le système nerveux central des insectes, ce qui explique leur efficacité. Cependant, ils provoquent également un effet indésirable létal sur la biodiversité, en particulier sur les insectes pollinisateurs, tels que les abeilles et les bourdons. Étant dérivés de la nicotine, les néonicotinoïdes agissent comme la cigarette sur l’homme : ils créent une réelle addiction chez les abeilles qui s’intoxiquent en ingérant de fortes doses, et disparaissent de manière massive.

Autre problème documenté par les scientifiques : les plantes n’absorbent en moyenne que 5 % du produit. Le reste contamine les sols et les cours d’eau et atteint donc les mammifères, les poissons et les oiseaux. Les néonicotinoïdes entraînent chez eux des déficiences immunitaires, des troubles de la reproduction et une perte de leur capacité cognitive.

Un danger pour l’Homme

Les néonicotinoïdes impactent également la santé des humains. En octobre 2020, l'ONG Générations Futures a publié un rapport indiquant la présence d'une ou plusieurs de ces pesticides dans 10,67 % des aliments végétaux testés et vendus en France. Parmi les conséquences de cette exposition, on trouve l’augmentation du risque d’autisme, des troubles de la mémoire, des tremblements, des malformations congénitales du cœur ou encore des insuffisances rénales.

Pour toutes ces raisons, les pesticides à base de néonicotinoïdes ont été progressivement interdits dans le monde ces dernières années. S’ils l’étaient officiellement en Europe depuis 2018, dans les faits les pays de l’Union européenne s’autorisaientdes dérogations spéciales sous certaines conditions. Ces dérogations sont désormais définitivement prohibées.

À écouter : #39 - Quel est le véritable impact des pesticides sur nos vies? Avec Marine Jobert

Qu'est-ce que leur interdiction implique ?

Malgré les dangers évidents des néonicotinoïdes, leur interdiction fait aujourd’hui fortement réagir la filière qui a déjà beaucoup souffert économiquement ces dernières années. La France était engagée dans un plan visant à supprimer leur utilisation d’ici 2024. Cette décision vient mettre un coup d'accélérateur dans la recherche d'alternatives. Pour Jean-Marc Bonmatin, chimiste et toxicologue, chercheur au CNRS,  ces dernières existent déjà. Il expliquait le 4 janvier dernier sur France Info : « En 2021, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a sorti un rapport extrêmement détaillé qui nous donne 22 alternatives aux néonicotinoïdes pour la culture de la betterave sucrière, dont quatre solutions sont applicables immédiatement ». Les agriculteurs craignent cependant une perte de chiffre d’affaires conséquente en attendant la mise en place de solutions pour protéger leurs récoltes. Le ministre français de l’Agriculture Marc Fesneau a annoncé la création d’un dispositif afin d'indemniser les éventuels dégâts causés par les pucerons. Il s’agit, selon les mots du ministre,  d’« assurer la pérennité d’une filière agricole et industrielle essentielle à nos territoires et notre économie ». De fait, la France est le premier pays importateur de sucre en Europe.

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