Décryptage du prix de notre alimentation, avec Olivier Dauvers
Au micro de Sur le grill d'Écotable, Olivier Dauvers tente de répondre à une question de plus en plus pressante ces dernières semaines : Qui dicte les prix de notre alimentation ? En effet, depuis le début de la guerre en Ukraine, cette interrogation est au centre des débats, et pour cause : la Russie et l’Ukraine étaient respectivement le 1er et le 5ème vendeur de blé au monde, en plus d’être des producteurs d’énergie. Cependant la crise en Urkaine ne peut tout expliquer, la question du prix de notre alimentation étant aussi liée au marché de façon générale, ainsi qu’aux marchés financiers qui font des matières premières des titres financiers. Décryptage du prix notre alimentation avec Olivier Dauvers.
Pouvez-vous vous présenter ?
Oui, je suis Olivier Dauvers. Ingénieur agronome de formation, j’observe et j’analyse le commerce et la consommation depuis plus de 30 ans maintenant. Après avoir dirigé la rédaction de revues spécialisées comme Linéaires ou Rayon Boissons, j’ai fondé en 2002 les Editions Dauvers, spécialisées sur l’info-retail. Je suis aussi administrateur de C’est qui le patron, et depuis 2014, je pilote le Think Tank Agroalimentaire des Échos.
Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser au sujet du commerce et de la consommation ?
Par hasard, à l’origine ! Dans la dernière année de mon école d’ingénieur en agriculture, j’ai fait un stage dans une société d'édition, qui éditait des titres de presse agricoles, mais aussi des titres de presse de distribution. Après avoir navigué entre, d’un côté, des revues spécialisées sur les vaches et les cochons, et de l’autre, des revues sur la distribution, mon centre de gravité est allé, par intérêt intellectuel, vers la consommation. En effet, je considère que la consommation est un formidable reflet de la société. C’est un prisme pour comprendre la société, parce que l’air de rien nous consommons tous. Et au sein de la consommation, le prisme alimentaire est encore plus intéressant, puisque manger est une nécessité vitale.
« Le prix de l’alimentation est indexée principalement sur le coût de production, davantage que sur le prix d’acceptation. »
Olivier Dauvers, au micro de Sur le grill d'Écotable.
Comment le prix de notre alimentation est-il fixé ?
Je ne suis pas économiste de formation, mais j’ai un peu d’expérience et une certaine vision sur le sujet. Si l’on va plus loin que la loi de l’offre et de la demande, le prix est déterminé par deux facteurs : le coût de production et le prix d’acceptation. Et suivant les marchés, selon la fréquence d’achats ou les acteurs qui offrent des biens sur le marché, on voit bien qu’il peut y avoir une plus grande torsion entre le coût de production et le prix d’acceptation.
Un exemple qui va nous éloigner de l’alimentaire d’abord, mais qui permettra de mieux le comprendre, c’est la tech, les smartphones. Le consommateur est prêt à acheter un IPhone 1 200 euros, qui a en réalité coûté 300 ou 400 euros à produire. Pourquoi ? Parce que la désirabilité du produit est forte, mais aussi car la fréquence d’achat est faible, donc il est plus facile de faire monter le consentement à payer du consommateur. Finalement, cela s’explique aussi par le fait qu’il n’y ait pas beaucoup de fournisseurs sur le marché des smartphones, pour qu’ils se livrent une bataille farouche entre eux.
À l’extrême inverse maintenant, le prix de l’alimentation est indexée principalement sur le coût de production, davantage que sur le prix d’acceptation. Tout d’abord, parce qu’il n’y a pas plus fréquent comme achat que l’alimentation, et ensuite car l’offre est très grande sur ce marché. La possibilité de découpler fortement le coût de production du prix d’acceptation est donc beaucoup plus faible. Sachant que le prix d’acception, malheureusement pour l’alimentaire, a tendance à baisser année après année, parce que l’alimentation est devenue une commodité aux yeux de nos congénères.
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Et comment évolue ce coût de production ?
Quand vous regardez les 30, 40 voire 50 dernières années, qui vont correspondre à l’époque contemporaine de la consommation, le coût de production agricole a bel et bien baissé, notamment grâce aux évolutions des rendements et de la mécanisation. Les techniques génétiques agronomiques font qu’aujourd’hui, nous avons une capacité de production qui est infiniment supérieure à celle que nous avions il y a une ou deux générations. Et même si le coût de production à l’hectare a progressé, son rendement est beaucoup plus élevé qu’avant, donc le coût de production a baissé. Et si le consommateur a aujourd’hui le sentiment que l’alimentation est une commodité, cela s’explique par l’extrême disponibilité et l’extrême accessibilité des biens alimentaires.
À quoi l’inflation actuelle est-elle due ?
Si on prend le cas de l’alimentation, il y a une première inflation qui a été encouragée par la Loi Egalim. En effet, cette loi a notamment sanctuarisé la part de la matière première agricole dans le prix des produits alimentaires, pour que le distributeur ne puisse plus négocier cette partie-là dans le coût de revient d’un produit. Ainsi, la Loi Egalim portrait mécaniquement de l’inflation sur les produits alimentaires, et en cela elle a fonctionné. Cependant, il n’est pas certain que cela soit suffisant, puisque les agriculteurs se plaignent toujours.
Ensuite, est arrivée la guerre en Ukraine, qui a eu des conséquences inflationnistes, d’une part en raison de la spéculation, et d’autre part du fait d’une réalité de marchés, qui sont devenus déficitaires et sous-capacitaires. Finalement, il y a une inflation de tout un tas de matières premières, qui entrent soit dans la composition des produits alimentaires de manière directe, soit de manière indirecte, si elles servent à l’alimentation animale.
Et quel est l’avenir de l’inflation ? Est-ce que les prix vont continuer d’augmenter ?
Prédire le futur est toujours dur, mais ce que l’on voit aujourd’hui, c’est que les cours de l’énergie, sans dire qu’ils refluent, ne sont plus sur une courbe exponentielle. Le prix de certaines matières premières sont même plutôt en train de refluer. Les prix salariaux, pour le coup, ne reflueront pas parce que, par principe, c’est un acquis. Concernant les prix des produits alimentaires, ils ne vont pas continuer à augmenter durablement de +12 % ou +15 %, car de toute façon il n’y aura pas d’acceptation sociale. Mais malheureusement, il est certain que cette inflation va se poursuivre, au moins jusqu’à l’été.
→ Pour en savoir plus, écoutez l'épisode de Sur le Grill d'Écotable avec Olivier Dauvers !
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