Énergie: Pourquoi passer du gaz à l'électrique ?
Dans la restauration, la consommation de gaz est conséquente et les cuisiniers ont bien du mal à se passer de leur gazière avec laquelle ils ont bien souvent appris à maîtriser les cuissons. L’énergie est au coeur des débats, d'abord pour son impact environnemental important mais aussi dans un contexte géopolitique où la guerre en Ukraine remet en cause l'importation du gaz russe en France et en Europe.
État des lieux de la consommation d’énergie dans la restauration
Un restaurant français consomme une quantité d’énergie en électricité équivalente à celle de gaz, soit en moyenne 34 400 kWh d’électricité, pour 34 500 kWh de gaz par an, d'après Selectra.
Afin d’avoir une idée de l’ordre de grandeur dont il est question, il est possible de prendre un exemple à partir de l’énergie mécanique qu’un être humain est capable de générer. Le président du Shift Project et co-fondateur du cabinet de conseil Carbone4 a ainsi déterminé la production quotidienne d’un individu, par la force mécanique de ses jambes, à 0,5 kWh (Jancovici, 2005). Afin de combler les besoins en énergie d’un restaurant sur un an, il faudrait ainsi que 68 800 individus passent leur année sur un vélo à pédaler.
En domestiquant les énergies fossiles, nous avons ainsi réussi à réaliser un saut de puissance énergétique. Mais cela a un impact direct sur l’environnement : outre des conséquences catastrophiques sur la biodiversité, l’amenuisement des ressources naturelles, l’augmentation drastique de la pollution, la consommation d’énergie démesurée est le premier facteur du dérèglement climatique. Ce dernier point peut s’exprimer en équivalent carbone. L’unité de mesure « tonne équivalent CO2 », ou son abréviation teqCO2, est utilisée pour comparer les émissions de divers gaz à effet de serre sur la base de leur potentiel de réchauffement global, en convertissant les quantités divers gaz émis en la quantité équivalente de dioxyde de carbone ayant le même potentiel de réchauffement planétaire. Dans cet article, nous exprimerons aussi certains chiffres en grammes équivalent CO2, et son abréviation geqCO2.
En reprenant les chiffres énoncés en début de paragraphe, on peut facilement déterminer le bilan carbone d’un restaurant utilisant du gaz ainsi que celui d’un établissement en tout électrique.
Le mix électrique annuel français est composé de la façon suivante :
- 67% nucléaire
- 13% hydraulique
- 8% éolien
- 7,5% thermique (entre autres fossiles : gaz, fioul et charbon)
- 2,5% solaire
- 2% de biomasse
La composition précise de ce mix change ainsi tous les jours en fonction des différents aléas de production, et celui du lundi 28 mars indique qu’un kilowattheure produit 70 geqCO2. Les 34 400 kWh d’électricité d’un restaurant en tout électrique émettent ainsi 24 teqCO2, tandis que les 34 500 kWh de gaz émettent plus de 78 teqCO2.
Crédit : Rex Features
Crédit: Lisa Streich
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Le gaz n'est pas une énergie durable et écoresponsable
Dans les débats sur la composition du mix énergétique, le gaz est généralement présenté comme une solution durable et zéro carbone pour respecter les Accords de Paris sur la réduction de l’empreinte carbone de chaque pays. Le gaz naturel serait donc une solution pour les chauffages, un remplacement du charbon pour produire de l'électricité, et le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) serait un remplacement du fioul pour les transports.
En comparaison, l'émission de CO2 à la combustion du gaz est inférieure à 30% par rapport au pétrole et 50% pour le charbon. Mais cela ne fait pas de lui une énergie durable et écoresponsable. Lors de l’extraction du gaz ou de son transport par gazoducs, d'importantes fuites de méthane sont à déplorer. Or, le méthane est un gaz à effet de serre ayant un impact important sur le réchauffement climatique. D’après le GIEC, l’impact d’une unité de masse de méthane sur le climat est équivalent à 84 fois celui du CO2 sur une durée de 20 ans. Sur une période de 100 ans, l’impact du méthane reste 28 fois plus élevé que celui du CO2. Il a également des conséquences négatives sur la santé, mais aussi sur l’agriculture, “[provoquant] jusqu'à 15 % de pertes annuelles de rendement pour les cultures de soja, de blé, de riz et de maïs”.
Il est donc nécessaire de diminuer l'utilisation du gaz, sans pour autant revenir vers d’autres énergies fossiles (le charbon, par exemple).
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Guerre en Ukraine: remise en cause de la dépendance énergétique européenne
Avec le contexte géopolitique actuel de guerre en Ukraine, le sujet du gaz russe et de son importation dans l’Union Européenne revient au cœur de l’actualité. Cette dépendance est devenue un enjeu diplomatique et énergétique pour les Etats. Malgré une volonté de boycotter et isoler la Russie, les limites de la dépendance européenne à ce pays se sont immédiatement montrées.
Le gaz russe
Le constat est clair: bien que les chiffres varient, les pays de l’Union Européenne sont en majorité dépendants des importations russes, notamment dans le cas du gaz. En 2021, 43,6 % (d’après Eurostat) du gaz importé dans l’Union Européenne était d’origine russe. Du gaz utilisé pour le chauffage ou la production d’électricité. Réciproquement, l’Europe représente 78% (d’après un rapport de BP) des exportations de la Russie.
- 100 % d’importation de gaz russe pour la Lettonie et la République Tchèque
- 97,6% pour la Finlande
- 95% pour la Hongrie
- 66% pour l’Allemagne
- 17% pour la France
- 0% pour l’Autriche
Source: Le Monde - Eurostat
Cette dépendance à la Russie s’explique géologiquement car la répartition du gaz dans le monde est assez inégale. Alors que l’on retrouve environ 3,2 milliards de milliards de m3 de gaz en Europe, la Russie en compte 56,6 milliards de milliards de m3. Cette richesse permet donc au pays de se positionner de manière naturelle au centre de l’exportation de gaz dans le monde.
Le gaz naturel est, en effet, extrait des sous-sols, dans des gisements spécifiques. L’importation du gaz se fait selon deux méthodes. La première est le transport de gaz par des gazoducs. Ce sont des canalisations, majoritairement souterraines ou sous l’eau, qui permettent la circulation de gaz sous pression jusqu’à 40 km/h. Il existe trois types de gazoducs: ceux de collecte (connectant les sites d’extraction aux sites de traitement), ceux de transport (allant jusqu’aux zones de consommation) et ceux de distribution (allant jusqu’aux consommateurs). La seconde méthode est celle du transport maritime. Pour ce faire, le gaz est liquéfié, devenant ainsi du Gaz Naturel Liquéfié (GNL).
Le cas de la France
En comparaison avec d’autres pays européens, la France semble être moins dépendante de la Russie. En 2021, 140 milliards de m3 de gaz russe ont été importés par gazoducs et 15 milliards de m3 sous forme de GNL. Or, ces chiffres ne représentent que 17% (d’après Eurostat) de l’importation globale française. Son premier fournisseur est la Norvège, représentant 36% des importations. La Russie se place donc en deuxième position, suivie par l’Algérie (8%). Bien que la part de gaz russe importé semble donc plus faible, il semble compliqué pour la France de boycotter le gaz russe comme l'ont fait les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. Il n’existe pas dans le monde une autre source de gaz capable de se substituer à la Russie.
Source : Eurostat
En conclusion
Il y aura toujours une part de gaz dans le mix électrique, puisque c’est, avec le charbon, l'un des seuls actifs de production permettant d’équilibrer le réseau à très haute vitesse. L'intégralité des pays qui ont massivement investi dans l’éolien terrestre ont vu leur consommation de gaz augmenter pour palier l’intermittence. Mais bien que le mix électrique d'un pays comprendra toujours une part relative de gaz, il est indéniable que passer au tout électrique et réduire autant que faire se peut l'utilisation de cette ressource en énergie brute est un passage obligé dans l'objectif de respecter les accords de Paris.
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