Jambon et nitrites : les dessous de la charcuterie

Une assiette de jambon

Saviez-vous que le jambon n'est pas naturellement rose ? Venus tout droit de Chicago, les knacks et les jambons nitrés à la couleur rose alléchante ont conquis la planète et évincé les charcuteries traditionnelles, plus longues à fabriquer. Bien que des jambons grisâtres ont timidement fait leur apparition sur les étalages ces dernières années, la tradition du jambon rose semble tenir bon dans le pays du jambon-beurre. À l’heure où les nitrites sont de plus en plus remis en question, il est temps de se pencher sur leur rôle dans l’industrie de la charcuterie et les dangers qu'ils peuvent présenter pour les consommateurs.

La consommation de charcuterie en France selon FranceAgrimer (2018)
  • La charcuterie est le 2e groupe de produits carnés le plus populaire, représentant 32 % des volumes d'achat des consommateurs ;
  • En 2018, les ménages ont acheté 665 000 tonnes de charcuterie ;
  • Le jambon cuit représente à lui seul 28 % de la charcuterie consommée. 

Pourquoi le jambon est-il rose ? 

Les nitrites : de quoi parle-t-on ? 

Les nitrites sont des additifs alimentaires présents dans la majorité des produits de charcuteries et de salaisons consommés en France. Selon un rapport de l’Anses de 2022, la consommation de produits de charcuterie représente une part importante de l'exposition aux nitrites, contribuant entre 42 et 63 % de l'exposition totale. Parmi les produits pointés du doigt, le jambon cuit, les saucisses et saucissons cuits sont ceux qui contribuent le plus à cette exposition.

La dose maximale de nitrites autorisée dans les charcuteries est de 150 mg/kg en Europe. En France, la dose utilisée est de 120 mg/kg et devrait passer à 90 mg/kg.

Pourquoi utilise-t-on les nitrites dans la charcuterie ? 

L'utilisation de nitrates et de nitrites dans les produits carnés est principalement due à leurs propriétés antioxydantes, antimicrobiennes et à leur effet sur la couleur des produits.

Tout d'abord, ces additifs sont utilisés pour des raisons de conservation. Les nitrites empêchent le développement de bactéries pathogènes telles que les salmonelles ou la listeria et préviennent la production de toxines produites par Clostridium botulinum. Ainsi, ils permettent une conservation prolongée des produits.

Mais les nitrites jouent également un rôle esthétique. Ils sont responsables de la couleur rose caractéristique des charcuteries cuites. Cette couleur est le résultat de la réaction entre les nitrites et l'hémoglobine présente dans la viande, donnant des teintes allant du rose au rouge foncé, selon les produits. Des couleurs plus vendeuses pour les industriels.

tranche de jambon

Les nitrites, un enjeu de santé publique ? 

Ce que les études ont déjà révélé

En 2015, le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) de l'OMS a officiellement classé la charcuterie et les salaisons comme étant des agents cancérogènes avérés. Selon leurs conclusions, la consommation quotidienne de 50 grammes de charcuterie augmente le risque de cancer colorectal de 18%.

Pour donner une idée, 50 grammes équivaut approximativement à une knack et demie par jour ou une tranche de jambon blanc.

Le rapport de l'Anses (2022) : Confirme l'existence d'une association entre le cancer colorectal et l'exposition aux nitrites et/ou nitrates.

Quel lien entre les nitrites et  le cancer ?

Selon des études, bien que les nitrites et nitrates en eux-mêmes ne soient pas considérés comme cancérigènes, ils interagissent avec une molécule présente dans la viande, appelée fer héminique. Cette réaction conduit à la formation de composés N-nitrosés, notamment le fer nitrosylé, dont la consommation pourrait être liée à un risque plus élevé de développer un cancer colorectal, (le deuxième cancer le plus mortel après celui des poumons et celui de l’estomac).  

Comment savoir si un produit contient des nitrites ? 

Pour repérer la présence de nitrates et de nitrites dans les produits, une analyse attentive des étiquettes s’impose. Voici les ingrédients à rechercher :

  • Nitrite de potassium (E249)
  • Nitrite de sodium, sel nitrité (E250)
  • Nitrate de sodium (E251)
  • Nitrate de potassium, salpêtre (E252)
  • Les bouillons de légumes : les industriels dissimulent les nitrates en utilisant des légumes riches en nitrates naturels (céleri, blettes...)

Bio veut-il dire sans nitrites ?

Non. En Europe, les produits alimentaires biologiques sont soumis à des restrictions plus strictes en ce qui concerne les additifs. Environ 50 additifs sont autorisés dans les produits bio, contre près de 340 dans les produits alimentaires conventionnels. Cependant, certains additifs controversés pour la santé, tels que les nitrites et nitrates, se retrouvent également dans certains produits biologiques. Parmi ces additifs figurent le E250 (nitrite de sodium) et le E252 (nitrate de potassium)

Les labels privés Demeter et Nature & Progrès vont encore plus loin que les exigences minimales du label bio en interdisant tout simplement l'utilisation de nitrites dans leurs produits.

Recommandations : 

Suivre les recommandations de l’Anses en termes de consommation de charcuterie : 150 g par semaine (soit l'équivalent de trois tranches de jambon environ) ;

Limiter son exposition aux nitrates et aux nitrites en évitant les produits carnés qui en contiennent, mais aussi ceux qui utilisent des extraits végétaux ou des bouillons pour dissimuler la présence de  nitrates et des nitrites.

Quand le jambon est rose, tout n’est pas si rose ! Les nitrites, dont le lien avec le cancer colorectal est avéré, font ainsi partie de la liste des additifs alimentaires controversés. Si on dit souvent que nous consommons d'abord un aliment par les yeux, ne laissons pas la couleur nous aveugler quant aux véritables conséquences. Des enjeux de santé se cachent donc dans les aliments de notre quotidien et méritent d'être explorés et décryptés. Le sujet vous intéresse ? Découvrez notre rencontre avec le diététicien Charles-Antoine Winter !