Coquillages : entre impact écologique et pollution plastique
Depuis plusieurs années, les coquillages sont encensés pour leur rôle supposé dans la lutte contre le changement climatique. Considérés comme des « puits de carbone », ils semblaient offrir une double promesse : un aliment sain et une solution naturelle pour capturer le CO₂. Cependant, des recherches récentes publiées en octobre 2024 remettent en question cette perception. Ajoutons à cela une préoccupation croissante : la contamination des coquillages par les microplastiques, reflet alarmant de la pollution marine. Cet article fait le point sur ces découvertes, tout en vous proposant des pistes pour consommer ces trésors de la mer de manière plus responsable.
Les coquillages et le mythe du « puits de carbone »
Une fausse idée bien ancrée
Pendant longtemps, les coquillages, notamment huîtres et moules, ont été crédités d’une capacité à capturer le CO₂ dans leurs coquilles riches en carbonate de calcium. Pourtant, des études récentes démontrent que leur rôle dans le stockage de carbone atmosphérique est en réalité négligeable.
En 2024, Fabrice Pernet, chercheur en écologie des organismes marins à l’institut français de recherche dédié à la connaissance de l’océan (Ifremer) a chapeauté une des études sur cette contre-vérité des coquillages puits carbones. Cette idée reçue trouverait son origine dans une étude chinoise publiée en 2011, reprise plus de 200 fois, et était tellement ancrée qu’en 2022, le Conseil consultatif de l’aquaculture a recommandé à la Commission européenne d’étudier un mécanisme de crédits carbone pour l’élevage des coquillages.
Pour établir leur étude, les chercheurs ont analysé 51 articles scientifiques étudiant les liens entre les coquillages et le dioxyde de carbone. 36 d’entre eux reprenaient l’idée reçue de l’absorption du gaz par les coquilles. Fabrice Pernet explique dans un communiqué que : "Le principal malentendu réside dans l'idée que le carbone des coquilles proviendrait du CO2 atmosphérique, alors qu'il est essentiellement issu d’ions carbonate ou bicarbonate provenant de l’érosion des roches. Leur incorporation dans les coquilles n'entraîne donc pas de capture du CO2 présent dans l’atmosphère".
Un bilan plus complexe
- Le carbone stocké dans les coquilles n’est pas issu de l’atmosphère : En effet, le carbone stocké dans les coquilles provient principalement de l’érosion des roches sur lesquelles les coquillages sont accrochés. Le constitution d’une coquille n'entraîne donc pas de diminution du carbone atmosphérique. De plus, la réaction permettant la formation des coquilles entraîne l’émission de CO2 dans l’océan. Or, plus l’océan contient de CO2, plus son acidité augmente, ce qui diminue sa capacité à absorber le dioxyde de carbone présent dans l’air. Cette acidité est extrêmement problématique pour la biodiversité, notamment parce qu’elle peut rendre plus difficile la fabrication des coquilles ou des squelettes des coraux.
- La destruction des coquilles génère des émissions de carbone: Une fois utilisées, les coquilles sont généralement incinérées, libérant ainsi une partie du carbone stocké dans l’atmosphère. La solution idéale serait de remettre les coquilles dans la mer, car leur dissolution consomme du CO2 et réduit donc la quantité de CO2 dans l’océan.
- Émissions indirectes : Il ne faut pas oublier dans le bilan des coquillages que le transport et le fonctionnement des infrastructures permettant l’acheminement des coquillages jusqu’au consommateur final génère également des émissions de gaz à effet de serre.
Coquillages et pollution plastique
Un filtre naturel vulnérable
Bien que les coquillages ne soient pas des puits de carbone, leur rôle écologique reste fondamental. Ils contribuent à la biodiversité marine en créant des habitats pour d’autres espèces, tout en participant à la clarification de l’eau de mer et à la régulation de l’azote et du phosphore.
En France, deux grandes catégories se distinguent :
- Les Bivalves : moules, huîtres, coques, palourdes… Ces coquillages filtrent l’eau pour se nourrir, ce qui en fait des acteurs essentiels pour la clarification des eaux marines et la régulation des nutriments.
- Les Gastéropodes : bigorneaux, bulots… Contrairement aux bivalves, ils ne filtrent pas l’eau et sont donc moins vulnérables à la pollution plastique.
Les bivalves sont souvent appelés les « vigies de la mer », car leur état de santé reflète celui de leur environnement. Toutefois, leur rôle de filtre naturel les rend particulièrement sensibles à la pollution marine. Des études montrent que les coquilles Saint-Jacques peuvent aspirer des milliards de particules de plastique. De plus, l'exposition des bivalves à une mer de plus en plus polluée rend leur production parfois difficile. Récemment, des interdictions de pêche aux coques ou des pertes de production de moules ont récemment été observées.
L'impact des microplastiques
Ces microplastiques, issus de débris comme les bouteilles, filets de pêche ou textiles synthétiques, s’accumulent dans les tissus des coquillages. De part leur fonction filtrante, les coquillages finissent par rejeter la pollution, cependant ce processus peut prendre jusqu'à 48 jours. Ils finissent alors dans nos assiettes, se propageant dans notre corps, notamment vers les reins, les branchies, les muscles et d’autres organes.
Risques pour la santé humaine
Bien que les recherches sur les effets exacts des microplastiques sur la santé humaine soient encore en cours, certaines conséquences sont déjà identifiées :
- Perturbations endocriniennes causées par les additifs chimiques.
- Inflammations provoquées par les nanoparticules.
Comment consommer des coquillages de manière durable ?
Respecter la saisonnalité
Tout comme les fruits et les légumes, les coquillages ont des saisons. Les respecter est essentiel pour réduire la pression sur les stocks naturels.
Être attentif aux techniques de pêche
L’impact environnemental des coquillages varie également selon la méthode de récolte ou d’élevage :
- Coquilles Saint-Jacques : Elles sont souvent pêchées à la drague, une méthode qui a longtemps été remise en question. Dernièrement, un rapport est venu nuancer l'impact de cette pratique, soulignant que son impact environnemental est significatif mais moins qu’anticipé. Par ailleurs, le rapport insiste sur les bénéfices sociaux et économiques de cette pêche. La technique la moins impactante reste la pêche en plongée. Cependant le prix de ces coquillages est élevés. Vous pouvez aussi opter pour des alternatives comme les coques ou les palourdes, pêchées à la main en France et dont l’impact est alors extrêmement faible.
- Coques et palourdes : Ces coquillages de pêche à pied sont une option locale et peu impactante, souvent disponible sur le littoral français.
- Moules et huîtres : Généralement élevées en pleine mer, elles présentent un impact limité. Le label bio existe, bien qu’il reste rare.
Favoriser les circuits courts et les élevages locaux
Choisir des coquillages provenant de fermes aquacoles respectueuses de l’environnement est essentiel. Vous pouvez également vous fier à des labels tels que AB (Agriculture Biologique).
Le saviez-vous ? Une huître triploïde est une huître artificielle inventée à la base car consommable toute l'année (pas de reproduction naturelle).
Comme pour beaucoup de produits de la mer, pour acheter un bon produit il faut donc regarder :
- L'espèce : privilégier les huîtres diploïdes aux huîtres triploïdes
- Le lieu de production : la France vs n'importe quel autre endroit
- Le mode de production : choisir des huîtres élevées en mer plutôt que des huîtres nées dans des écloseries
- La saison : la reproduction se déroule en été, donc pas d’huîtres pendant cette période normalement
- Les labels BIO et Nature & Progrès peuvent vous guider, car ils garantissent des huîtres diploïdes élevées en pleine mer
Bien les préparer
- Bien les rincer pour éliminer un maximum d’impuretés
- Préférez des modes de cuisson doux pour préserver leurs qualités nutritionnelles.
Lutter contre la pollution plastique
En tant que consommateur, vous pouvez agir pour réduire la présence de plastique dans l’environnement :
- Réduire l’usage de plastiques à usage unique.
- Participer à des initiatives locales de nettoyage des plages.
- Soutenir des organisations qui militent pour des océans sans plastique, comme Surfrider Foundation.
- Eduquer et sensibiliser sur l’impact des déchets plastiques dès le plus jeune âge.
Bien que leur rôle de « puits de carbone » soit aujourd’hui contesté, les coquillages restent essentiels pour la biodiversité marine. Pour en préserver les bienfaits, adoptons des pratiques de consommation durables et luttons activement contre la pollution plastique. En protégeant ces ressources, nous contribuons autant à la santé des océans qu’à la nôtre.