Le magret de canard, un produit issu de la filière foie gras ?

Symbole de la gastronomie française traditionnelle, le foie gras est depuis quelques années pointé du doigt pour les souffrances infligées aux animaux lors du processus de gavage. Mais saviez-vous que déguster un magret de canard revient souvent à soutenir, malgré soi, la filière du foie gras ? Peu connue, cette réalité met en lumière les impacts éthiques et environnementaux liés à ce produit prisé. On vous explique.
Le foie gras, un produit controversé
Le foie gras est un produit emblématique de la gastronomie française, mais il est aussi l’un des plus critiqués pour ses pratiques d’élevage et de production. En France, plus de 90 % des foies gras proviennent de canards mulards, une espèce hybride créée par croisement et élevée spécifiquement pour le gavage. Ce processus, jugé cruel par de nombreuses associations de protection animale, implique une alimentation forcée visant à faire grossir leur foie pour qu’il atteigne jusqu’à dix fois sa taille normale.
Les canards destinés à la production de foie gras sont élevés pendant plusieurs semaines en extérieur ou en bâtiment avant d’être placés dans des cages collectives ou individuelles pour la phase de gavage, qui dure environ 10 à 15 jours. Durant cette période, une pompe pneumatique introduit de force une grande quantité de maïs directement dans leur œsophage, deux à trois fois par jour.
Ce processus provoque de nombreuses souffrances :
- Surcharge hépatique : Le foie atteint une taille anormalement grande, ce qui entraîne des difficultés respiratoires et des problèmes locomoteurs.
- Stress et blessures : Le gavage peut causer des lésions internes, des infections, et des fractures dues à la manipulation répétée.
- Taux de mortalité élevé : Jusqu’à 20 fois supérieur à celui d’un élevage standard.
- Densité d’élevage élevée : Au-delà du gavage, dans les élevages intensifs, les canards manquent d’espace et n’ont pas accès à l’extérieur.
Le magret, produit insoupçonné de la filière foie gras
Si ces problématiques éthiques ont été mises en lumière pour le foie gras, ce qui est resté jusqu’à présent dans l’ombre, c'est que le magret de canard provient exclusivement de ces mêmes canards. Depuis 1986, la réglementation réserve l'appellation "magret" à la viande issue de canards gras, c'est-à-dire ayant été gavés. Les filets des canards maigres, non gavés, sont quant à eux commercialisés sous les noms de filets ou aiguillettes.
Un autre aspect méconnu de cette filière est la sélection des canards. Pour produire du foie gras, ce sont principalement des canards mâles qui sont élevés car leur foie est plus gros et moins veiné. Les femelles, quant à elles, sont dans la majorité éliminées dès la naissance, une pratique similaire à celle du sexage des poussins mâles dans l’industrie des œufs. Bien que des méthodes de sexage dans l’œuf existent depuis 2021, leur adoption reste encore limitée.
Ainsi, en consommant du magret, on soutient indirectement la filière du foie gras, car ce morceau est un "sous-produit" du processus. Après l’abattage des canards, leur foie est vendu en tant que foie gras, tandis que leurs magrets, cuisses et autres morceaux sont commercialisés séparément.
Le label rouge garantit :
- Une densité maximum de 7,5 canards mâles par m² sur litière, et 8 par m² sur caillebotis en phase de croissance
- Parcours extérieur obligatoire en phase de croissance au minimum de 3 à 5 m2 par canard
- Une alimentation basée au minimum à 70 % de céréales et issue de céréales pendant leur période de croissance.
- Il existe des Labels Rouges sur les 2 types de canards (exemple : canard fermier des Landes Label Rouge pour les canards gras et le canard de Challans Label Rouge pour le canard maigre).
Quel impact environnemental ?
Outre des questions liées au bien-être animal, l'élevage intensif des canards a un impact environnemental significatif.
- Impact carbone : La production d’un kilogramme de foie gras émettrait en moyenne 28.9 kg équivalent CO2. À titre de comparaison, on compterait environ 30 kg eq. CO2 pour le bœuf et environ 5kg eq. CO2 pour le poulet (Source : agribalyse).
- Consommation de céréales : Le gavage repose sur une alimentation riche en maïs, nécessitant d’importantes surfaces agricoles. En effet, selon la FAO, il faudrait entre 12 et 14kg de maïs pour produire un kilogramme de foie gras.
- Impact sur la biodiversité : L’implantation d’élevages de canards et d’oies peut avoir des répercussions sur la biodiversité, puisque la monoculture de maïs réduit la diversité des habitats naturels.
- Impact sanitaire : Par ailleurs, dans les élevages intensifs, le risque de transmission de maladies entre les oiseaux d’élevage et la faune sauvage (grippe aviaire notamment) est plus élevé.
- Pollution et gestion des déchets : Les excréments et déchets issus des élevages sont riches en azote et en phosphore et contribuent à la pollution des sols et des eaux. La réglementation impose aux éleveurs de mettre en place des plans d’épandage contrôlés pour transformer ces effluents en fertilisants agricoles. Cependant, cette pratique peut engendrer un risque de sur-fertilisation dans les zones de forte concentration d’élevages.

Source : https://productions-animales.org
Vers une consommation plus responsable
Il existe des producteurs de canards gras éthiques, mais ces derniers restent extrêmement rares. Au regard de la situation, si vous ne trouvez pas de producteurs chez qui vous fournir et que vous tenez à garder du canard à votre carte, il vaut mieux vous rediriger vers des aiguillettes ou des filets.
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