Le chocolat est-il un indispensable dans la pâtisserie ?
Nous adorons le chocolat, certain.e.s d'entre nous l'aiment même passionnément, tant il évoque de nombreux souvenirs d’enfance : la mousse au chocolat de Mamie, le premier fondant bien beurré des fêtes d’anniversaires. En pâtisserie, que ce soit dans les restaurants, les salons de thé ou coffee shops, il est souvent la star et se retrouve tant dans les préparations culinaires que les boissons. Il est donc difficile d’imaginer se passer de cet ingrédient. Pourtant, malgré une consommation moyenne impressionnante de 13,2 kg par foyer en France en 2021 (Source : Kantar), ce symbole de plaisir gustatif masque une réalité plus sombre : son impact écologique et social est loin d'être anodin. Dans cet article, nous explorerons les origines du chocolat en pâtisserie et examinerons son utilisation actuelle dans le secteur de la restauration. Nous analyserons ensuite son impact environnemental et social, avant de vous présenter des alternatives durables. En conclusion, nous vous inviterons à découvrir le portrait d'un coffee shop écoresponsable à Toulouse. Il est peut-être difficile de renoncer entièrement au chocolat, mais envisager des alternatives plus responsables pourrait bien être à notre portée.
Des origines à son utilisation actuelle en pâtisserie
Le chocolat en pâtisserie trouve ses origines dans les civilisations anciennes de Mésoamérique, où le cacao était déjà une composante essentielle des rites et de l'alimentation. Importé en Europe au XVIe siècle, il se transforme rapidement en produit de luxe, avant que les progrès industriels ne le démocratisent.
Aujourd'hui, le chocolat est omniprésent en pâtisserie sous diverses formes : tablettes, poudres, pépites, et bien plus. Chaque type de chocolat peut transformer radicalement un dessert, apportant des textures et des niveaux de douceur variés.
En France, de manière plus globale, la vente de chocolat se déroule tout au long de l’année, mais elle est rythmée par deux temps forts importants qui sont les fêtes de fin d'année et Pâques. En 2021, ces ventes représentaient 694 millions d’euros pour 30 469 tonnes de chocolat (Noël) et 319 millions d’euros et 14 169 tonnes de chocolat (Pâques) – Source IRI pour le Syndicat du Chocolat.
La demande mondiale de chocolat continue ainsi de croître, entraînant une augmentation de la production, mais aussi des préoccupations environnementales et sociales sur toute la chaîne d’approvisionnement.
Impacts écologiques et sociaux de la filière cacao
Déforestation et biodiversité
La filière cacao représente environ 5 millions de tonnes de cacao produit par 5 millions de producteurs et productrices. 90% de la production de cacao est donc produite par de petits producteur.ice.s, qui possèdent individuellement de 2 à 4 ha de terre. (Source – Kaoka)
La production de cacao a historiquement été concentrée dans des régions comme la Côte d'Ivoire et le Ghana, avec des méthodes de culture qui varient significativement, influençant à la fois le rendement et l'impact écologique. La Côte d'Ivoire reste le premier producteur mondial, malgré les défis politiques et écologiques qu'elle rencontre.
Cette production est donc liée à des défis environnementaux significatifs : déforestation massive, perte de biodiversité, et émissions de gaz à effet de serre due à la conversion des forêts en terres agricoles. Par exemple, en Côte d'Ivoire, la déforestation est extrêmement préoccupante : le pays a perdu près de 80% de ses forêts depuis 1960. (Source : La face cachée du chocolat – Le Basic – Parue en 2016).
La culture du cacao nécessite également une gestion significative des ressources en eau. L'irrigation des plantations dans des régions où l'eau est déjà un bien rare peut exacerber le stress hydrique. En outre, le ruissellement des pesticides et des fertilisants utilisés dans les plantations peut contaminer les cours d'eau locaux, affectant la qualité de l'eau et la santé des écosystèmes aquatiques. L’étude citée ci-dessus relate des exemples où les niveaux de nitrates dans l'eau près des zones de production de cacao dépassent souvent les normes acceptables pour l'eau potable.
Intensité carbone moyenne des fèves de cacao en sortie de ferme, selon leur origine (en kgCO2e/kg) – Source : Carbone4
Pauvreté et travail des enfants
Un des problèmes les plus graves dans l'industrie du cacao est le recours au travail des enfants et les conditions de travail. Dans des pays comme la Côte d'Ivoire et le Ghana, des milliers d'enfants travaillent dans les plantations de cacao, souvent dans des conditions dangereuses et pour des salaires très faibles. Ces enfants sont privés de leur droit à l'éducation et exposés à des risques de blessures dues à l'utilisation d'outils dangereux et au contact avec des produits chimiques.
Malgré le fait que le cacao soit une des matières premières les plus précieuses sur le marché mondial, les agriculteurs qui en sont les producteurs primaires vivent souvent dans la pauvreté. Les prix volatils du cacao, les intermédiaires profitant des chaînes d'approvisionnement, et le manque de soutien gouvernemental exacerbent cette situation. Le revenu moyen d'un producteur de cacao en Côte d'Ivoire est souvent bien en dessous du seuil de pauvreté, ce qui rend difficile pour eux de couvrir les besoins de base tels que la nourriture, le logement, et les soins médicaux.
Repenser le chocolat de manière plus éthique : certifications et substituts
Face à ces défis, des certifications telles que Fairtrade et Rainforest Alliance tentent d'améliorer les conditions de vie en promouvant des pratiques agricoles durables et un commerce plus équitable.
Ces normes comprennent l'interdiction du travail des enfants, la garantie de conditions de travail sûres et équitables pour les producteur.ice.s, et l'utilisation de pratiques agricoles qui protègent l'environnement, comme la réduction de l'usage des pesticides et la préservation de la biodiversité. Le but est de créer un système de production de cacao qui soit bénéfique à la fois pour ceux qui le cultivent et pour la planète.
Un des principaux défis est le coût de la certification, qui peut être prohibitif pour de petits producteurs qui n'ont pas les moyens financiers de changer leurs pratiques sans aide extérieure. De plus, même si les produits certifiés commandent souvent un prix plus élevé sur le marché, ce surcoût ne parvient pas toujours aux producteurs de cacao en raison de la structure complexe des chaînes d'approvisionnement globales.
Pour remédier à certains de ces défis, des initiatives supplémentaires sont proposées, telles que l'amélioration des infrastructures locales, l'éducation des producteurs sur les pratiques durables, et l'augmentation de la transparence dans toute la chaîne d'approvisionnement du cacao. De telles mesures peuvent aider à maximiser les bénéfices des certifications pour tous les acteurs impliqués.
Attention toutefois, la filière du chocolat est très opaque - du fait du grand nombre d'intermédiaires. De nombreux acteurs privés et publiques ont lancé des labels, cependant tous ne se valent pas. Il est important de se renseigner sur les différents cahiers des charges pour faire des choix éclairés, car contrairement à ce que l'on peut penser, afin de choisir des labels qui sont réellement gage de qualité et de durabilité.
Au-delà de se tourner vers des certifications bio et éthiques, il apparaît opportun de réduire son utilisation du chocolat en pâtisserie et pourquoi pas d’envisager l’introduction de substituts à l’impact beaucoup plus léger.
Voici donc quelques exemples :
- Caroube : Souvent utilisée en poudre, la caroube est un substitut populaire au cacao. Elle provient des gousses du caroubier et possède un goût naturellement doux et une couleur similaire au chocolat. [Provenance : Italie ou Espagne]
- Cacao de graines de courge : Les graines de courge torréfiées et moulues peuvent donner une texture et une couleur rappelant le cacao. C'est une option riche en protéines et en minéraux. [Provenance : France]
- Lucuma : Cette poudre, issue du fruit du lucuma, offre une douceur naturelle et une texture qui peut imiter celle du chocolat dans certaines préparations sucrées. [Provenance : Pérou]
- Le faux chocolat de ChoViva : produit principalement composé d’avoine et de graines de tournesol. Cette alternative vise à offrir une expérience gustative similaire au chocolat, tout en étant mieux adaptée aux enjeux environnementaux actuels. [Provenance : Allemagne]
Portrait - Zaza Coffee Shop : un modèle d'engagement
C’est en plein cœur du centre-ville de Toulouse que tient place un coffee shop à l’éthique forte. Fondé par Clara et son compagnon Martin, tous deux issus de familles militantes pour l'environnement, Zaza Coffee Shop incarne un modèle d'entreprise où l'écoresponsabilité n'est pas un concept mais une réalité quotidienne.
Le lieu très atypique, un ancien triplex rénové, a ouvert ses portes dans un contexte particulier, juste avant les confinements liés à la pandémie. Malgré ces défis, l'entreprise a prospéré grâce à une approche qui favorise le local et se concentre sur des choix durables : lutte contre le gaspillage alimentaire, carte très orientée vers des plats végétariens et végétaliens, électroménagers économes en énergie, ingrédients sourcés et éthique par rapport aux certifications et labels, etc. Parmi les ingrédients, le chocolat occupe une place de choix.
L'établissement a fait le choix de l'éthique dès ses débuts. La difficulté de trouver des fournisseurs de chocolat alignés sur leurs valeurs a été un obstacle majeur. Toutefois, leur persévérance a porté ses fruits lorsqu'ils ont intégré le réseau Ecotable, qui leur a permis de nouer un partenariat avec Kaoka.
Ce fournisseur de chocolat met en avant une éthique de production et un respect des travailleurs dans les pays producteurs de cacao. Cet engagement est essentiel pour le coffee shop, qui souhaite que chaque ingrédient utilisé dans ses créations soit le reflet de ses valeurs. D’autre part, le choix de travailler avec un unique type de chocolat noir répond à une double exigence : garantir la qualité et réduire l'impact environnemental.
L'utilisation du chocolat chez Zaza se fait avec parcimonie et intelligence. En hiver, le chocolat est roi, tandis qu'en été, il cède sa place aux fruits frais locaux. Cette saisonnalité n'est pas seulement un choix gastronomique, mais aussi éthique, visant à minimiser les pertes et à maximiser l'utilisation de chaque produit. Le fondant au chocolat, par exemple, est une des rares pâtisseries au chocolat conservées à l'année, devenant un classique très apprécié des clients.
En choisissant des ingrédients locaux, bio, et en limitant l'utilisation des protéines animales, Zaza Coffee Shop ne répond pas seulement à une demande de consommation responsable ; elle éduque son public sur l'importance de choix alimentaires réfléchis.
L'histoire de Zaza Coffee Shop et la réflexion plus large sur l'utilisation du chocolat en pâtisserie révèlent une prise de conscience croissante et une volonté de changement dans l'industrie alimentaire. En choisissant des pratiques plus éthiques et durables, il est possible de respecter à la fois notre palais et notre planète.
A vous de jouer !
En savoir plus : www.ecotable.fr/pro
Les abonnés Impact ont accès à un catalogue de ressources pédagogiques pour pour comprendre les enjeux liés à l'alimentation durable et mettre en oeuvre des pratiques écoresponsables.