Peut-on encore utiliser la vanille en cuisine ?

Crédit photo: Vanilha

Depuis la démocratisation de sa consommation à partir des années 1960, la vanille s’est érigée comme une épice incontournable de la gastronomie et particulièrement de la pâtisserie. Son arôme, associé à la gourmandise et aux recettes d'enfance, en font un ingrédient prisé. Pourtant, la vanille est aujourd’hui la deuxième épice la plus chère du monde, derrière le safran. Un prix qui s’explique notamment par le savoir-faire que demande sa production. De fait, les vanilles de basse qualité et arômes de vanille synthétiques proposés à moindre prix se multiplient, ceci au détriment de la viabilité de la production de vanille naturelle. Alors, comment savoir quel est le juste prix de la  vanille ? Peut-on encore s’approvisionner en vanille, et de manière durable ?

Qu'est-ce que la vanille ?

La vanille est issue d’une orchidée exotique, fleur d'une plante grimpante appelée vanillier. Originaire d'Amérique centrale, cette liane pousse dans les climats tropicaux, au sein de forêts humides où les températures sont plutôt élevées. Bien qu'il existe environ 110 espèces de vanilliers, seules deux d'entre elles sont cultivées aujourd’hui pour la consommation mondiale. Parmi celles-ci, l’espèce Vanilla planifolia est de loin la plus répandue : elle représente 95 % de la production globale de vanille.

La culture de la vanille nécessite un savoir-faire particulier, les premières fleurs du vanillier n’apparaissant que 3 à 5 ans après sa plantation. La pollinisation des fleurs de vanillier se fait originellement de manière naturelle grâce à l’abeille mélipone, espèce indigène d’Amérique centrale. Cependant, elle est également cultivée au-delà de son berceau d’Amérique centrale (notamment sur le pourtour de l’océan Indien, où elle a été exportée au XVIe siècle pour répondre à la demande coloniale), dans des régions où l’abeille mélipone n’est pas présente. À ces latitudes, le vanillier demande donc une pollinisation manuelle. Après la pollinisation, les gousses mettent environ neuf mois à mûrir. Elles sont récoltées encore vertes, avant de subir un long processus de transformation.

Un processus de transformation complexe

La transformation de la vanille en une gousse brune et brillante telle qu’on la connaît pour notre consommation est longue et minutieuse. Après la récolte, les gousses vertes sont échaudées quelques minutes dans une eau entre soixante et quatre-vingt-dix degrés pour stopper leur maturation.  Les gousses sont ensuite étuvées, c’est-à-dire qu’elles passent entre 24h et 72h au repos dans une caisse hermétique pour garder la chaleur. Enfin, pendant deux à trois mois, les gousses de vanille vont sécher lentement avant de passer par un processus d’affinage dans des caisses de bois ou de métal. Ce vieillissement permet un développement aromatique complexe, qui donne à l’épice des notes plus ou moins fruitées, boisées et fleuries. Ce processus nécessite donc un savoir-faire unique et adapté au terroir, faisant de la vanille un produit complexe. C’est également au moment de l’affinage que se développe le composé moléculaire appelé “vanilline”, qui donne à la vanille son goût typique, et qui est aujourd’hui imité de manière artificielle pour produire de la vanille synthétique. 

Pour en savoir plus, écoutez-ici notre épisode de podcast dédié à la vanille 

avec Juliette Dohar, préparatrice et affineuse de vanille bio de São-Tomé & Príncipe.

Les défis du marché mondial de la vanille 

En 2024, Madagascar est à la tête de la production mondiale de vanille: le pays exportant 75% de la vanille consommée sur le globe, ce qui correspond à 2500 tonnes par an. Les autres pays producteurs sont principalement l’Indonésie, la Papouasie Nouvelle-Guinée, l’Ouganda et le Mexique. Mais cette filière fait face à de nombreux défis, régulièrement relayés par les médias. Comme la production de vanille est un processus complexe, chronophage et coûteux, elle est concurrencée par les prix très bas du marché de la vanille synthétique et des vanilles de moins bonne qualité. Les producteurs de vanille malgaches subissent aussi depuis plusieurs années de fortes fluctuations de prix, causées par la spéculation pratiquée par les principaux acheteurs américains et européens, malgré les tentatives de régulation du marché par l’État. La viabilité des producteurs de vanille est donc menacée, alors même que le développement de cultures extensives de vanillier (comme dans la région de Sava à Madagascar) permettrait de préserver les écosystèmes de forêts humides, et d'œuvrer contre la déforestation de “l’Île rouge”. On estime en effet aujourd’hui que 36 000 hectares de forêts primaires malgaches sont coupées ou brûlées par an pour des activités agricoles. 

Au-delà de ces dérives très médiatiques, il existe de nombreuses productions de vanille durables à Madagascar et dans d’autres régions. Par exemple sur l’île de La Réunion où est produite la vanille bourbon à raison d’environ 20 tonnes par an, réputée pour sa qualité. Des vanilles innovantes comme la vanille fraiche ou la vanille givrée y sont également produites. On trouve également de petites productions de vanille biologique à Sao Tome & Principe, ou en Guadeloupe (où des producteurs-cultivateurs travaillent actuellement à la création d’une nouvelle AOP pour la vanille). 

Comment s’approvisionner en vanille ?

Malgré les défis évoqués précédemment, il est possible de se procurer de la vanille issue de productions durables, vertueuses pour l'environnement et garantissant une juste rémunération des cultivateurs-affineurs de vanille. 

Voici nos conseils pour bien choisir la vanille que vous utilisez : 

  • Privilégiez toujours une vanille naturelle en gousse, vertueuse pour les écosystèmes humains et naturels, et surtout bien plus aromatique que n’importe quel arôme synthétique de vanilline.
  • Il est possible d’acheter en direct à certaines productions de vanille, comme chez Vanilha, ou auprès d’épiceries spécialisées comme Épices Roellinger. 
  • Privilégiez une vanille biologique, ou issue de productions extensives, comme celles de São-Tomé & Príncipe ou de Guadeloupe par exemple. Il existe aussi des vanilles bio de grande qualité produites à Madagascar.
  • Intéressez-vous aux différentes espèces, tailles et techniques d’affinage de la vanille, pour trouver les saveurs qui conviendront le mieux à votre cuisine. Notez qu’il est possible de sublimer la vanille dans des recettes salées, pour réinventer cet arôme si familier
  • S’il n’est pas possible de vous tourner vers des productions de vanille durable, il existe également des plantes permettant de retrouver des arômes se rapprochant à la vanille, comme la flouve ou le mélilot

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Bien que la vanille naturelle soit donc plus coûteuse que son alternative synthétique et que sa production fasse face à de nombreux défis, sa culture peut être bénéfique aux écosystèmes naturels et humains. Elle joue aussi un rôle important dans la préservation des savoir-faire traditionnels. Même si elle reste un produit exotique, dont l’empreinte carbone n’est pas neutre, en comprenant le processus de fabrication de la vanille, en privilégiant un approvisionnement en vanille issue de petites productions extensives, il est possible de continuer à cuisiner avec la vanille de manière responsable. 

Crédits photo : Vanilha / Canva

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