Marie-Ange Martinez, une cheffe engagée sur la voie de l’écoresponsabilité
Le parcours d’une cheffe engagée
Jurassienne d’origine, Marie-Ange Martinez a été habituée dès l’enfance à consommer une alimentation produite localement. « Mon père s’est installé dans une partie du Jura très rurale, avec un côté presque insulaire, explique la cheffe. Quand vous êtes isolés six mois par an, les gens font leur jardin et vous comprenez la base du produit. » Après s’être « un peu éloignée de ces valeurs » suite à son installation à Saint-Étienne et à l’ouverture de son premier restaurant - « qui a très bien marché, presque trop » comme elle le confie elle-même - Marie-Ange Martinez se pose progressivement la question de la transmission et décide de revenir à ses origines. La cheffe entre alors dans la démarche « Maître Restaurateur » et se met à la recherche de réseaux de proximité pour approvisionner son restaurant plus localement.
Bien décidée à faire évoluer ses pratiques, la cheffe choisit de clore ce chapitre en 2020, quatorze ans après l’ouverture de son premier restaurant, pour faire table rase du passé et ouvrir un nouvel établissement « plus en relation avec ce [qu’elle était] devenue entre-temps » : Madame, Table de Cheffe.
« Mon jardin secret, c’était mon premier établissement, qui a très bien marché, presque trop, parce que ça ne m'a pas permis de remettre en question mes pratiques. J’étais prise dans une course au chiffre d'affaires, au nombre de couverts… »
Marie-Ange Martinez, cheffe de Madame - Table de cheffe
Dans ce nouvel écrin, labellisé 3 macarons Écotable depuis 2023, Marie-Ange Martinez - alias cheffe Marinette - a décidé de pousser sa démarche écoresponsable encore plus loin en se focalisant sur trois axes majeurs :
- Une carte centrée sur des produits issus de modes de production durables ;
- La réduction des déchets et de la consommation en ressources (eau, électricité) ;
- Le bien-être au travail de ses équipes.
Un approvisionnement tourné vers l’écoresponsabilité et la saisonnalité
Si elle n’a pas eu de prise de conscience du jour au lendemain, Marie-Ange Martinez est aujourd’hui « dans un combat » et porte fièrement son engagement écoresponsable. Pour débuter cette nouvelle aventure, la cheffe a complètement revu son approvisionnement en misant sur le bio et le local. Aujourd’hui, plus de 80 % des produits qu’elle sublime en cuisine sont issus de l’agriculture biologique ou de filières durables. En écrivant ses cartes à partir des produits disponibles au marché et en gardant un contact constant avec celles et ceux qu’elle considère comme de véritables « partenaires », la cheffe s’adapte aux arrivages et parvient à sourcer plus de 70 % de son approvisionnement localement. Ainsi, à la carte de Madame - Table de cheffe, ni fruits exotiques ni coulis de framboise « tout fait », seulement des fruits bio et/ou locaux : pommes, poires, figues fraîches ou agrumes bio de Sicile, selon la saison. Celle qui se dit « hyper réactive et hypersensible au produit » explique qu’elle « aime autant cuisiner les produits, que les recevoir et discuter avec ses fournisseurs ».
Côté boissons, la cheffe Marinette applique la même démarche : elle a repensé toute la carte pour se tourner essentiellement vers des fournisseurs locaux et artisanaux. Ainsi, chez Madame - Table de cheffe, le Coca-Cola a été remplacé par un cola développé par son brasseur habituel, et cela après une discussion ensemble ! Et pour les cocktails, la cheffe a choisi du whisky et du rhum français mixés avec des liqueurs et sirops artisanaux. Finalement, si ce « retour indispensable à l’essentiel » s’est traduit en une « période délicate, où il a fallu rompre des partenariats », la cheffe est convaincue que « cela a permis aussi à certains d’évoluer sur ces questions-là ».
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Des mesures concrètes pour réduire l’impact environnemental de son restaurant
En cuisine, la Marie-Ange Martinez a aussi opéré beaucoup de changements pour réduire concrètement le gaspillage alimentaire, l’utilisation du plastique et la consommation d’énergie au sein de son restaurant.
Parmi les mesures visant à la réduction des déchets et de l’usage du plastique, on compte :
- Le travail des produits dans leur intégralité dans une démarche zéro-déchet, avec l’utilisation des épluchures pour faire des infusions, des bouillons, des fonds ou des soupes ;
- La mise en place d’un compost pour favoriser le tri des biodéchets, qui sont collectés toutes les semaines par une association coopérative ;
- La réduction de l’utilisation de plastique à usage unique avec l’achat de poches pâtissières en silicone et de charlottes en coton bio pour remplacer le film plastique, même pour les préparations qui doivent restées « au contact » ;
- Le remplacement des contenants en plastique non recyclable par des bacs gastronomiques en inox ou des bocaux en verre.
Concernant la consommation d’eau, la cheffe a fait en sorte de réduire l’impact de son restaurant en installant des mousseurs à toutes les arrivées d’eau et en plaçant des bouteilles dans les chasses d’eau du restaurant. Marie-Ange Martinez a également investi dans un récupérateur d’eau situé à l’extérieur du restaurant et un autre en cuisine, placé sous le lave-main automatique, ce qui lui permet de récupérer pas moins de 100L par demi-journée qui sont ensuite utilisés pour laver le sol à la fin du service. Pour ce qui est de la réduction de la consommation d’énergie, des détecteurs de mouvement ont été installés dans les vestiaires et le garde-manger du restaurant éclairé par des ampoules basse consommation. La cheffe a aussi décidé d’arrêter les cuissons sous vide qui demandent plus de temps, et donc plus d’énergie, et privilégient les cuissons à la vapeur pour limiter les temps de cuisson tout en révélant le goût des aliments.
En salle, la fondatrice de Madame - Table de cheffe souhaite sensibiliser les clients à la démarche du restaurant en s’adressant directement à eux à travers sa carte, dans laquelle elle remercie un à un les partenaires avec qui elle travaille quotidiennement. À côté de cela, Madame - Table de cheffe tente de limiter le gaspillage alimentaire en ne servant du pain qu’aux clients qui en demandent, et non plus de façon systématique. En effet, en choisissant un pain au levain traditionnel cuit dans un four allumé seulement deux jours par semaine par son boulanger habituel, la cheffe Marinette trouvait presque « irrespectueux » de jeter le pain à la fin du service. Elle compte donc sur l’équipe en salle pour sensibiliser les clients à la démarche du lieu et raconte : « Ça pouvait être compris comme de la pingrerie, mais quand le personnel se fait le relai de l’information et explique que ce n’est pas qu’on ne veut pas donner du pain mais qu'on ne veut pas en jeter, les gens comprennent. » Finalement, pour « planter un petit clou de plus à la fin du repas », Marie-Ange Martinez offre aux curieux qui s’attablent chez elle une infusion à base de fruits pour remplacer « le bonbon à la menthe, dont le papier finit à la mer ».
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Le bien-être au travail de ses équipes
En plus des actions concrètes qu’elle a mises en place pour réduire l’impact de son établissement, la cheffe Marinette prend aussi des mesures pour assurer le bien-être au travail de ses collaborateurs. Au quotidien, les repas du personnel sont adaptés aux goûts de chacun et toujours consensuels, tandis que Marie-Ange Martinez se veut toujours flexible et à l’écoute de ses employés. De plus, en 2022, elle a décidé de passer à la semaine de quatre jours pour réduire les coupures et s’adapter aux attentes de ses collaborateurs. En perpétuelle discussion avec eux, elle a fait évoluer ce modèle au fil des mois : aujourd’hui Madame - Table de cheffe ouvre 5 jours par semaine, tandis que les plannings se limitent à 4 jours pour les employés qui ne travaillent plus que deux samedis par mois. Si ses collaborateurs lui font confiance depuis plusieurs années et qu’elle ne rencontre pas de problèmes de recrutement, la cheffe reste persuadée que le secteur doit évoluer pour améliorer les conditions de travail en restauration.
« On doit tous s’adapter, il y a une pénurie de main d'œuvre en France et une incapacité de la part des employeurs à se remettre en question. Notre profession doit balayer devant sa porte et évoluer, sinon nous ne serons plus en mesure de transmettre notre vocation. Un comble pour la France qui est le pays de la gastronomie ! »
Marie-Ange Martinez, cheffe de Madame - Table de cheffe
Très fière de la relation de confiance qu’elle entretient avec ses équipes, Marie-Ange Martinez affirme : « Je travaille avec eux depuis longtemps, c’est un échange : je leur donne un emploi de qualité et ils portent le flambeau de mes engagements ». Seule femme cheffe à Saint-Étienne, où elle a fondé le seul établissement labellisé Écotable à ce jour, la cheffe Marinette explique passer pour une « extra-terrestre » mais reste convaincue d’œuvrer dans la bonne direction.
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Crédits photos : Liveandshoot
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