Tout savoir sur le tri des biodéchets au sein de votre restaurant

Tri des biodéchets

1er janvier 2024, le tri à la source des biodéchets est obligatoire ! Ce début d’année marque une évolution significative dans la gestion de nos déchets. Désormais, les collectivités ont l’obligation de fournir des solutions aux citoyens pour faciliter la valorisation de leurs résidus organiques. C’est également depuis cette même date, que tous les professionnels doivent mettre en place le tri à la source et la valorisation de leurs biodéchets, peu importe le volume produit. Mais qu'en est-il réellement de cette nouvelle loi ? Quelles sont les obligations spécifiques des restaurateurs et comment peuvent-ils instaurer efficacement ce tri au sein de leur établissement ? Dans cet article, nous vous proposons un état des lieux sur les normes en vigueur et des solutions concrètes pour trier et valoriser vos déchets alimentaires.

Des déchets pas si verts : un regard critique sur la gestion des biodéchets

Au cœur de notre quotidien, les déchets organiques, souvent négligés, représentent un défi environnemental majeur. En France, nous générons plus de 46 millions de déchets organiques chaque année, englobant nos restes de repas, épluchures, marc de café, et autres débris du jardin. Ces éléments, constituant un tiers de nos poubelles, représentent une moyenne de 83 kg par an et par habitant.e. (source ADEME).

Malheureusement, mélangés à nos ordures ménagères, ces précieux biodéchets connaissent une destinée peu écologique : incinération ou mise en décharge. Annuellement, 5,5 millions de tonnes de biodéchets subissent l'incinération ou l'enfouissement, plutôt que d'être compostées et valorisées (Source Zero Waste France).

L'incinération, en plus d'émettre du CO2, consomme davantage d'énergie qu'elle n'en produit. De même, la mise en décharge contribue à la production de méthane, générant des émissions nocives, tandis que le lixiviat, un liquide chargé en nitrates et métaux lourds, accroît les risques de fuite et de pollution des nappes phréatiques.

Dans le domaine de la restauration commerciale, les déchets alimentaires représentent une part significative, totalisant 400 000 tonnes par an, avec une moyenne de 9 tonnes produites par restaurant annuellement. (Source ADEME). 

Face à ces chiffres, l'enjeu se dessine clairement : une gestion responsable des biodéchets est impérative.

L’obligation de tri à la source inscrite dans la loi

En 2010, la loi Grenelle 2 marquait un tournant crucial en instaurant l'obligation de tri à la source et de valorisation pour les gros producteurs de biodéchets et d'huiles usagées. À partir du 1er janvier 2016, l'article L. 541-1-1 du Code de l'environnement a imposé aux professionnels produisant plus de 10 tonnes de biodéchets par an de mettre en place le tri à la source.

La loi du 10 février 2020, axée sur la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire, a apporté des modifications significatives à l'article L. 541-21-1 du code de l'environnement. Dès le 1er janvier 2023, cette obligation a été étendue aux personnes produisant ou détenant plus de 5 tonnes de biodéchets par an.

Depuis le 1er janvier 2024, cette obligation a franchi une nouvelle étape en abandonnant toute condition liée à un volume minimum de déchets générés annuellement. Elle s'applique désormais à tous, tant aux professionnels qu'aux ménages, dès le premier kilogramme de biodéchets. Cette évolution législative souligne l'importance croissante accordée à la gestion responsable des déchets organiques, incitant l'ensemble de la société à participer activement à cette transition vers des pratiques plus durables.

Le tri spécifique des biodéchets dans le domaine de la restauration 

Les déchets alimentaires au sein des établissements de restauration pose un défi particulier en raison de la diversité des sous-produits animaux qu'ils contiennent, tels que les restes de viande, de poisson, de lait, d'œufs, et bien plus encore. C'est notamment le cas des déchets de cuisine et de table (DCT), catégorisés en tant que sous-produits animaux de catégorie 3 (SPAn C3). Ces déchets englobent les résidus de préparation, les surplus de distribution et les restes d'assiettes.

La classification des SPAn en différentes catégories selon leur niveau de risque pour la santé souligne l'importance de la gestion appropriée de ces déchets. La catégorie 3 est la moins à risque, tandis que la catégorie 1 représente le niveau de risque le plus élevé. La réglementation sanitaire européenne établit des dispositions spécifiques pour la gestion des SPAn, garantissant ainsi la sécurité alimentaire et la prévention des risques sanitaires.

Dans ce contexte, le secteur de la restauration doit opérer un tri méticuleux des biodéchets, en accordant une attention particulière à la nature des déchets produits. Une compréhension approfondie des classifications et des réglementations associées est essentielle pour assurer une gestion responsable et conforme aux normes en vigueur.

Les principales obligations sont donc les suivantes :

Nouvelles obligation déchet restaurant france 2024

Pour en savoir plus sur la gestion des déchets SPAN, nous vous invitons à consulter le guide du GECO Food Service (lien à la fin de l’article).

Se lancer dans le tri de ses biodéchets 

Avant de vous engager dans le tri de vos biodéchets, il est crucial de comprendre que tout producteur de déchets est responsable de la gestion de ces derniers jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque ces déchets sont confiés à un tiers. Le producteur doit donc garantir que la personne à qui il les remet est habilitée à les prendre en charge ; et cette dernière doit fournir tous les documents attestant d’une valorisation adéquate.

Etape n°1 : Évaluer sa production 

Lorsque vous entreprenez le tri de vos biodéchets en tant que restaurateur, la première étape consiste à évaluer votre production réelle. Cette évaluation permettra d'adapter les solutions de gestion en fonction de vos besoins.

Pour déterminer la quantité de biodéchets que vous générez, vous pouvez procéder de deux manières. Soit, vous réalisez des campagnes de pesées sur une période représentative de l'activité de votre établissement. 

Soit, vous pouvez extrapoler cette quantité à partir de données nationales. Selon une étude de l'ADEME intitulée "Première estimation des coûts de gestion des déchets alimentaires des producteurs non ménagers", le ratio estimatif de production de déchets alimentaires dans les restaurants commerciaux et établissements touristiques est évalué à 0,14 kg par repas. 

Cette évaluation précise sera le fondement essentiel pour la mise en place d'un système de tri efficace et adapté à votre établissement.

Etape n°2 : Lutter contre le gaspillage alimentaire 

Une fois que vous avez évalué le volume de biodéchets généré, l'objectif primordial est de le réduire et ainsi lutter contre le gaspillage alimentaire. 

La hiérarchie de traitement des biodéchets préconise de réduire le gaspillage en premier lieu, puis de donner les excédents consommables, et enfin de valoriser les résidus par le compostage ou la méthanisation.

La Loi pour la Transition Énergétique place la réduction de la production des déchets au cœur de ses objectifs. Les restaurateurs sont directement concernés par cette démarche, qui représente la première action à entreprendre pour maîtriser la production des déchets en général, notamment des biodéchets.

Voici quelques exemples de mesures à mettre en place : 

  • Rechercher l’adéquation entre l’offre et la demande.
  • Adapter sa carte en proposant des plats du jour ou une carte restreinte.
  • Améliorer la gestion des matières premières et des quantités produites en favorisant les réservations, en élaborant un grammage précis pour chaque plat et en optant pour des cuissons minute.
  • Réduire les déchets de préparation en changeant les économes et en réutilisant le pain.
  • Adopter des techniques permettant d’optimiser les durées de vie des produits et de transformer les restes, tout en respectant les normes d’hygiène.
  • Sensibiliser et former le personnel.
  • Ajuster la fin de service en adaptant la production et les contenants à la fréquentation et à l’arrivée des derniers convives.
  • Mettre en place un système de doggy bag (obligatoire depuis 2021). 

Pour en savoir plus sur comment réduire le gaspillage alimentaire, découvrez les 6 conseils d’Inpulse : https://ecotable.fr/blog/articles/comment-reduire-gaspillage-alimentaire-restaurant

Etape n°3 : Trier les déchets alimentaires lors de la production

Lors des différentes phases de production, le tri minutieux des déchets alimentaires devient une étape importante. Pour ce faire, divers types de matériel peuvent être utilisés en fonction de la configuration de votre établissement, notamment :

  • Poubelles à commande non manuelle
  • Bioseaux
  • Bacs roulants
  • Caisses-palettes ou bennes en fonction des volumes produits, pour le stockage avant la collecte.

Il est essentiel de noter que le stockage doit se faire dans des conditions optimales (durée limitée, température adéquate). Les conditions d’entreposage doivent garantir la stabilité des déchets, l’absence de nuisibles et la prévention de la prolifération de bactéries. Le local de stockage ainsi que tous les conteneurs à déchets  doivent être régulièrement entretenus, nettoyés et désinfectés. 

Avant le traitement final des déchets, plusieurs solutions de pré-traitement peuvent être envisagées, telles que :

  • Un broyeur ou sécheur : réduit la fréquence de collecte des déchets alimentaires et maîtrise d'éventuelles nuisances.
  • Un déconditionneur : permet de désemballer les déchets alimentaires conditionnés, offrant ainsi l'accès à davantage de solutions de valorisation.
  • Un compacteur : diminue le volume des déchets avant la collecte, notamment en cas de production importante. Dans ce cas, une solution de traitement des jus doit être mise en place.

Etape n°4 : Valoriser ses biodéchets

La dernière phase du tri des biodéchets réside dans leur valorisation. Cette étape peut s'effectuer de deux manières : le compostage sur site ou la collecte. 

Le compostage sur site 

Cette méthode permet de valoriser directement, sur le lieu même de votre restaurant, les déchets alimentaires en les transformant en compost, offrant ainsi une solution durable et locale. Plusieurs options de compostage sont envisageables : 

  • Le compostage en bac ou en chalet, le plus couramment utilisé.
  • Le compostage rotatif, avec une cuve à rotation manuelle.
  • Le compostage électromécanique, avec un composteur doté d'un brassage électromécanique.

Si vous envisagez d'implanter une solution de compostage sur site, la première étape consiste à identifier son emplacement. Le composteur doit être installé en extérieur, à proximité du lieu de production des déchets alimentaires, tout en maintenant une distance suffisante pour limiter les éventuelles nuisances.

Ensuite, la formation des équipes à la gestion du composteur est essentielle. Conformément à la réglementation, les sites de compostage doivent être supervisés par une personne formée aux bonnes pratiques. En moyenne, le temps estimé pour le tri des déchets alimentaires et la gestion du composteur est de 1 à 4 heures par semaine. Des formations de « maître-composteur » sont disponibles auprès d'organismes spécialisés.

En ce qui concerne les coûts de fonctionnement, le compostage en établissement nécessite un investissement global moyen de 1 790 €/an pour le compostage en bac. Ramenés à la tonne, les coûts varient en fonction des seuils de production :

  • Petits producteurs (< 5 t/an) : 600 €/tonne.
  • Producteurs intermédiaires (entre 5 et 10 t/an) : 390 €/tonne.
Point règlementaire 

L'obtention d'un agrément sanitaire pour l'activité de compostage des déchets dépend de la nature spécifique des déchets traités. Conformément à l'article 24 du règlement n°1069/2009 du 21 octobre 2009, les établissements qui se livrent à la conversion de sous-produits d'animaux en compost doivent être agréés par l'autorité compétente.

L'arrêté du 9 avril 2018, visant à assouplir la réglementation, définit les conditions selon lesquelles les opérateurs peuvent déroger aux dispositions européennes énoncées par les règlements (CE) n°1069/2009 et (UE) n°142/2011[3]. L'article 18 de cet arrêté autorise les sites de compostage de proximité des déchets de cuisine et de table à être exemptés de cet agrément, sous réserve du respect de plusieurs critères :

  • Les déchets traités doivent être exclusivement des déchets de table ou de cuisine ;
  • La quantité hebdomadaire de ces déchets doit être inférieure à 1 tonne ;
  • Un exploitant, personne physique ou morale, doit être désigné pour assurer la gestion rigoureuse du site. Cela englobe le respect des bonnes pratiques de compostage, la prévention des risques de contamination, la sensibilisation des apporteurs de déchets aux risques de contamination, et le contrôle régulier de la température ;
  • Le compost produit doit être réservé à une utilisation sur place ou à une utilisation locale (au sein de l'intercommunalité ou des communes limitrophes du lieu d'implantation) ;
  • Le compost produit ne peut pas être utilisé sur des pâturages ou des terres destinées à la production de plantes fourragères destinées à l'alimentation animale ;
  • Le compost produit peut être vendu localement pour une utilisation restreinte aux cultures de racines.

Si seuls les déchets de cuisine de table et les déchets verts sont compostés et si le site de compostage répond à l’ensemble de ces conditions, le site de compostage sera dispensé d’agrément sanitaire.

La collecte séparée

Une alternative pour valoriser vos biodéchets consiste à opter pour une collecte séparée. Cette solution peut être mise en place en engageant des prestataires externes qui se chargeront de valoriser la production dans des unités agréées de compostage ou de méthanisation.

Selon votre emplacement et la quantité de vos biodéchets, la collecte peut être assurée par :

  • Un prestataire privé (voir liste ci-dessous)
  • Une collectivité locale

Si vous envisagez la mise en place d'une collecte séparée, il est essentiel de disposer du matériel adapté pour la pré-collecte, tel que des bioseaux, des sacs, des bacs, etc.

Par la suite, il sera nécessaire de former vos équipes au tri des déchets alimentaires en vue de leur collecte. En moyenne, le temps estimé pour cette opération est de 2 à 6 heures par semaine.

Enfin, la conclusion d'un contrat avec un prestataire (public ou privé) est incontournable, avec une collecte recommandée au minimum chaque semaine. 

Le coût global observé pour la collecte séparée s'élève en moyenne à 10 330 €/an. Cela représente un coût moyen de 780 €/tonne, dont 340 €/tonne correspondent aux prestations externes.

Ramenés à la tonne, les coûts diffèrent selon les seuils de production : 

  • Petits producteurs (< 5t/an)   : 1 210 €/tonne 
  • Producteurs intermédiaires (entre 5 et 10 t/an) : 720 €/tonne
  • Gros producteurs (> 10 t/an) :   630 €/tonne

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Quelle solution choisir pour mon restaurant ?

Voici un tableau récapitulatif pour vous aider à y voir plus clair.

Tableau comparatif solution tri biodéchet

N’hésitez pas à consulter des experts locaux, à explorer les options de partenariat avec des prestataires de services de collecte ou de compostage, et à vous informer sur les initiatives locales de gestion des biodéchets.

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Rédactrice : Mathilde Bouterre

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