Un an après la loi sur les biodéchets, où en est la restauration ?
Il y a un an, une loi ambitieuse entrait en vigueur en France, imposant aux restaurateurs de trier et valoriser leurs biodéchets. Cette mesure, pilier d'une transition écologique tant attendue, promettait de transformer en profondeur les pratiques d'un secteur connu pour sa production importante de déchets. Aujourd'hui, alors que les premiers bilans commencent à émerger, il est temps de faire le point sur les avancées, les défis et les opportunités qui se dessinent pour les acteurs de la restauration.
Rappel de la loi ambitieuse sur les biodéchets
Les fondements de la loi
La loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC), promulguée le 10 février 2020, a marqué un tournant dans la gestion des déchets en France. L'un de ses volets les plus ambitieux concerne la gestion des biodéchets, avec une obligation qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2024 pour tous les professionnels, comme pour les ménages.
Depuis 2023, les professionnels produisant plus de 5 tonnes de biodéchets par an étaient déjà tenus de trier leurs déchets à la source, et d’assurer leur valorisation par des filières adaptées. Pour mettre cela en perspective, un restaurant servant en moyenne 100 couverts par jour atteint facilement ce seuil de 5 tonnes annuelles. Cela signifie que la grande majorité des établissements de restauration, des petits bistrots aux grandes chaînes, étaient déjà concernés par cette obligation. Cependant, à l’époque Didier Chenet, président du groupement patronal de l'hôtellerie-restauration GNI, alertait sur la difficulté de mise en application de cette loi : « Nous sommes sur ce dossier depuis des années. Nous faisons tout pour informer, mobiliser les gens mais, la profession n'est pas prête ».
Comme le voulait l’échéancier, en janvier 2024 la loi s’est durcie imposant à tout le secteur, sans exception, de trier et valoriser leurs biodéchets. En cas de non application, les sanctions peuvent s’élever jusqu'à 75 000 euros d’amende et deux ans de prison.
Les objectifs visés par cette loi sur les biodéchets
Cette loi s'inscrit dans une vision plus large de transition écologique et vise plusieurs objectifs :
- Réduire drastiquement le volume de déchets alimentaires envoyés en décharge ou à l'incinération
- Favoriser le retour au sol de la matière organique pour enrichir les terres agricoles
- Développer la production de biogaz par méthanisation
- Sensibiliser les professionnels et le grand public à l'importance de la gestion des déchets
Un impact environnemental considérable
Le tri et la valorisation des biodéchets représentent un levier majeur dans la lutte contre la crise environnementale et climatique :
1. Réduction des émissions de gaz à effet de serre : Les biodéchets enfouis ou incinérés produisent du méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2. Leur valorisation permet d'éviter ces émissions.
2. Préservation des ressources naturelles : En transformant les biodéchets en compost ou en énergie, on réduit la pression sur les ressources fossiles et les engrais chimiques.
3. Amélioration de la qualité des sols : Le compost issu des biodéchets enrichit les sols, améliorant leur structure et leur fertilité.
État des lieux : un secteur en pleine mutation
Les défis rencontrés par les restaurateurs
Malgré l'entrée en vigueur de la loi, plusieurs obstacles majeurs freinent encore la mise en conformité des établissements :
- Le manque d'information et de formation : Beaucoup de restaurateurs se sentent démunis face à cette nouvelle obligation, ne sachant pas par où commencer.
- Les contraintes logistiques : Le tri des biodéchets nécessite souvent une réorganisation de l'espace en cuisine et en salle, ce qui peut être complexe dans des établissements aux locaux exigus.
- Les coûts perçus : L'investissement initial en matériel de tri et les potentiels coûts de collecte sont souvent perçus comme des freins, bien que des études montrent qu'à long terme, la valorisation des biodéchets peut être source d'économies.
- Les habitudes ancrées : Changer les pratiques quotidiennes d'une équipe entière demande du temps et de la persévérance.
- Le manque de filières locales : Dans certaines régions, les solutions de valorisation des biodéchets sont encore peu développées, compliquant la tâche des restaurateurs.
L'accompagnement : clé de la réussite
Écotable joue un rôle central dans l'accompagnement des restaurateurs vers une gestion durable des biodéchets :
1. Formation et sensibilisation : Organisation de formations et création de ressources pratiques pour les restaurateurs et leur personnel.
2. Audit et conseil personnalisé : Analyse des pratiques actuelles et recommandations adaptées à chaque établissement.
3. Mise en relation : grâce à son annuaire de prestataires engagés, Écotable aide les restaurateurs à trouver les bons partenaires locaux pour la collecte et la valorisation des biodéchets, comme pour chaque pans de leur activité.
4. Suivi et amélioration continue : Un accompagnement sur le long terme pour optimiser les pratiques.
→ Vous êtes restaurateur.ice et souhaitez obtenir de l’aide sur le volet des déchets ? prenez rendez-vous pour que l’on discute de vos besoins.
Des bénéfices économiques à long terme
Contrairement aux idées reçues, la gestion responsable des biodéchets peut s'avérer économiquement avantageuse :
- Gaspiller des ingrédients, c’est gaspiller de l’argent : cette loi peut être un levier pour mieux gérer l’approvisionnement et ainsi éviter des pertes.
- Réduction des coûts de gestion des déchets : Moins de déchets non valorisables signifie moins de frais de collecte et de traitement.
- Potentielles sources de revenus : Certains établissements parviennent à vendre leur compost ou à négocier des tarifs préférentiels avec les agriculteurs locaux.
- Amélioration de l'image de marque : Une démarche écologique attire une clientèle de plus en plus soucieuse de l'environnement.
« 30 % des consommateurs privilégient désormais les établissements écoresponsables, signalant un changement significatif dans les priorités du secteur* »
Un atout pour l'économie circulaire locale
La valorisation des biodéchets s'inscrit parfaitement dans une logique d'économie circulaire :
- Création d'emplois locaux dans les filières de collecte et de valorisation.
- Renforcement des liens entre restaurateurs et agriculteurs locaux.
- Développement de nouvelles filières innovantes (bioplastiques à partir de déchets, par exemple).
Les différentes méthodes de valorisation : un éventail de solutions
Le compostage : retour à la terre
Le compostage est souvent la première solution envisagée par les restaurateurs :
- Compostage sur site : Idéal pour les établissements disposant d'un espace extérieur, il permet une gestion autonome des biodéchets.
- Compostage de quartier : Une solution collective qui se développe dans les zones urbaines, permettant de mutualiser les efforts.
- Compostage industriel : Pour les grands volumes, des entreprises spécialisées collectent et compostent les biodéchets à grande échelle.
La méthanisation : de l'assiette à l'énergie
La méthanisation transforme les biodéchets en biogaz et en digestat (un excellent fertilisant) :
- Elle permet de produire de l'énergie renouvelable (électricité, chaleur ou biocarburant).
- C'est une solution particulièrement adaptée pour les grands volumes de déchets.
L'alimentation animale : une tradition revisitée
Certains biodéchets peuvent être utilisés pour nourrir des animaux, sous réserve de respecter des normes sanitaires strictes :
- Alimentation des porcs ou des volailles avec les restes de cuisine (après traitement thermique)
- Utilisation des marcs de café pour l'élevage de vers ou d'insectes
La valorisation industrielle : l'innovation au service de l'écologie
De nouvelles filières émergent, transformant les déchets en ressources précieuses :
- Transformation des huiles usagées en biocarburant
- Utilisation des coquilles d'huîtres broyées comme amendement calcaire pour les sols
- Extraction de molécules d'intérêt à partir de certains déchets pour l'industrie cosmétique ou pharmaceutique
Les restaurants labellisés Écotable montrent la voie
Sistaou (Marseille)
Nous travaillons avec Les Alchimistes depuis notre ouverture. Leur solution est très pratique, car le compost est hyper large, il y a moins de contraintes qu’à la maison par exemple où il ne faut pas mélanger les agrumes avec le reste. On peut tout mettre dedans : la viande, le poisson, les restes de repas… Il y a un système de malus si tu mets n’importe quoi dans le bac, donc il faut bien expliquer aux équipes, mais nous n’avons jamais eu aucun problème. Ils font la collecte en vélo-cargo, une fois par semaine. La collecte est payante et le prix dépend ensuite du poids des bacs. En gros, moins on produit, moins on paye, ce qui est super pour encourager la diminution du gaspillage alimentaire ! Nous préférons cette solution à la méthanisation, qui génère beaucoup de CO2. Là, ça crée du compost ! On peut même en acheter pour le mettre en vente ensuite dans notre resto.
Mori Venice Bar (Paris)
Nous travaillons avec Moulinot, et nous en sommes plutôt contents ! Le problème reste le budget. C’est frustrant de payer pour ça, c’est pour ça que beaucoup de restaurateurs ne le font pas. En interne, il y a eu un petit temps d’adaptation. Comme pour chaque changement, les gens râlent au début. Mais nous les avons formés et tout se passe bien !
La Petite Kabane (Roche-Fort)
Nous faisons partie d'une association d’économie circulaire (circuleR) qui a proposé aux restaurateurs de Roche-Fort de travailler sur l’organisation pour les biodéchets. Ils ont étudié tous les prestataires et ont trouvé Altergaïa (mobilité douce sur La Rochelle), c’est super, ça nous a fait gagner un temps fou. Ils ont donné des bennes, des sacs compostables, et ils viennent une fois par semaine, le tri n’est pas trop contraignant. Pour nous, ça a été plutôt facile finalement !
Ces réussites montrent que, avec la bonne approche et en étant accompagné, la transition est non seulement possible mais aussi bénéfique pour les établissements.
Vous l’aurez compris, la gestion responsable des biodéchets va bien au-delà du simple respect de la loi. C'est une opportunité pour les restaurateurs de repenser leur relation avec les ressources, de s'inscrire dans une démarche d'économie circulaire et de répondre aux attentes croissantes des consommateurs en matière de durabilité. Alors que le secteur continue sa transition, il est clair que les établissements qui sauront s'adapter rapidement et efficacement seront les mieux positionnés pour l'avenir. Vous avez besoin d’aide ? Contactez-nous !
*source : https://www.extencia.fr/chiffres-cles-restauration