Restauration: quelles formations pour les chefs et cheffes de demain ?

Alors que les crises écologique, sociale et économique redessinent les contours de notre société, la formation des cuisiniers et cuisinières peine encore à intégrer ces enjeux. Le métier de chef, traditionnellement centré sur la performance technique et créative, doit aujourd’hui intégrer de nouvelles dimensions : durabilité, sobriété, éthique. Pourtant, les cursus classiques, à commencer par le CAP cuisine, restent largement déconnectés de ces réalités pressantes. Alors comment réinventer la formation des chefs de demain ? On vous propose un petit tour d’horizon des solutions existantes.
Le CAP cuisine, la formation (trop) classique
Le CAP cuisine est la formation la plus répandue pour entrer dans le secteur de la restauration. En 2024, près de 40 000 candidat.es se sont présentés au certificat d’aptitudes professionnelles (CAP) en cuisine en France. Mais pour de nombreux professionnels, ce diplôme peine aujourd’hui à refléter pleinement les attentes du métier et les défis actuels qui entourent notre alimentation :
- Gigot d’agneau, darne de poisson poché ou quiche lorraine : les recettes préparées dans le cadre du CAP restent pour le moins “old school” … Raison pour laquelle elles sont souvent déconnectées des enjeux de saisonnalité, de l’origine des produits utilisés ainsi que de leur impact. La viande et le poisson sont encore placés au centre de l’assiette et les recettes végétales, invisibilisées. Un antagonisme avec la nécessité de végétaliser les assiettes, quand on sait que, selon la FAO, l'élevage est aujourd'hui responsable de 12% des émissions humaines de gaz à effets de serre, et que la pêche est la première responsable de la perte de biodiversité marine.
Pour en savoir plus, retrouvez notre article sur l'impact de la pêche, avec le professeur en écologie marine Didier Gascuel, ou encore notre podcast sur les impacts de l'élevage
- Les produits cuisinés sont davantage perçus comme des marchandises, sans intérêt pour leurs conditions de production, et les modèles agricoles dont ils sont issus. Or le lien entre agriculteurs et restaurateurs est central, pour favoriser des productions durables, et des partenariats en circuit court assurant la juste rémunération de tous les acteurs du système.
- La pédagogie autour du gaspillage alimentaire reste également trop peu uniformisée. Si certains établissements valorisent les invendus, ainsi que leurs épluchures ou excédents, d’autres jettent en grande quantité des denrées parfaitement valorisables.
- L’approche hiérarchique de la cuisine prévaut encore aujourd’hui dans la plupart des formations hôtelières. La culture de la brigade, du “oui chef!” reproduit des schémas d’autorité où la violence verbale, voire physique, et la pression constante sont banalisés, racontés notamment dans l’enquête publiée en mai 2025 par Nora Bouazzouni aux éditions Stock.
- Enfin, la formation du CAP cuisine n’intègre aucune clé pour la gestion durable d’un établissement, qui encouragerait les jeunes chef·fes à adopter une communication transparente et intégrer des enjeux de responsabilité environnementale et sociale à leur business model.
Ces lacunes sont d’autant plus problématiques que la restauration est aujourd’hui en pleine mutation. Le consommateur attend des pratiques responsables, les jeunes cuisiniers et cuisinières recherchent du sens, et les territoires réclament des modèles plus enracinés pour soutenir les économies locales. Le CAP cuisine et les formations hôtelières classiques ne demandent qu’à être réinvesties par des valeurs plus contemporaines et mieux adaptées au marché du travail pour les jeunes.
Transmettre une cuisine ancrée dans son époque
Face à ces constats, des alternatives émergent pour former des restaurateur.ices, des cuisinier.es et des chef.fes mieux adaptés aux enjeux actuels de notre alimentation. Voici deux exemples d'initiatives qui tentent de dépoussiérer les formations de cuisine et leur donner davantage de sens.
Chefsquare
Chefsquare, fondée en 2004 sous le nom de L’Atelier des Chefs, s’est donné pour mission de démocratiser une cuisine plus responsable, à travers des formats de formation flexibles et accessibles au plus grand nombre. L’établissement propose ainsi des formations spécifiquement orientées vers la transition écologique, proposées dans leurs cuisines pédagogiques à Lyon et à Paris. Le programme “Formation Cuisine Durable” aborde par exemple les fondamentaux de la cuisine végétale, l’anti-gaspi, la transformation raisonnée des produits, et l’impact carbone des pratiques. La structure propose également des modules de reconversion pour adultes. Adaptés à la quête de sens dans le métier de ces apprenants, les parcours mêlent technique culinaire et prise de conscience des enjeux sociétaux.
Pour cela, les chefs formateurs et intervenants dans les différentes formations sont choisis pour leur engagement éthique et leur capacité à transmettre une vision bienveillante et responsable de la cuisine. Au-delà du geste, ces derniers apprennent à leurs élèves à questionner leurs choix, concevoir un menu durable, dialoguer avec les producteurs etc. Chefsquare incarne ainsi une autre manière d’apprendre la cuisine, en lien avec les défis actuels, qui répond à une demande d’aller passion et engagement en cuisine. Ils sont par ailleurs labellisés 2 macarons Écotable, témoignage d'efforts plus que louables !

La Source
Un autre exemple de formation novatrice est l’école de cuisine La Source, qui a d’ailleurs obtenu le Prix de l’École Engagée lors du palmarès Écotable 2025. Avec ses campus à Paris, Toulouse et Bordeaux, elle propose un panel de formations, de la cuisine, à la gestion entrepreneuriale durable, qui dépassent largement la seule technique culinaire. Leurs cuisines d’application sont toutes labellisées Écotable. Cuisine végétale, cuisine sauvage, fermentation, relations avec les producteurs, économie circulaire, les élèves apprennent à cuisiner et concevoir leur projet professionnel en tenant compte des enjeux éthiques et des écosystèmes. Les stages, les collaborations avec des restaurants engagés et les projets concrets permettent aussi une immersion directe dans la réalité du métier, auprès d’acteurs engagés. Les soft skills comme la gestion du stress, l’écoute et le management bienveillant sont également au cœur du programme.
L’École Ducasse
Enfin, certaines grandes écoles hôtelières comme l’École Ducasse entament également des réflexions internes pour moderniser les institutions qu’elles représentent. A travers la labellisation deux macarons écotable de son restaurant d’application Adour, ainsi que les formations à l'écoresponsabilité données aux élèves par Écotable, la structure propose dorénavant une formation ancrée dans les enjeux actuels auxquels ses élèves devront faire face. RSE, approvisionnement durable, anti-gaspillage et économie des ressources : c’est une introspection à 360 degrés qu’à choisi d’entamer l’École Ducasse, et un exemple à suivre pour toutes les grandes écoles hôtelières !
Vers une réforme globale des formations ?
À l’heure où le secteur de la restauration est confronté à des pénuries de main-d’œuvre, et subit les impacts de l’inflation, la question de la formation doit être remise au cœur du réacteur. Aujourd’hui, il est indispensable de réformer les programmes existants, pour repenser profondément ce qu’implique l’éducation des chef·fes de demain. La restauration est une vitrine de nos systèmes alimentaires, et le métier de cuisinier en 2025 ne peut plus ressembler à celui de 1980. Il doit impérativement conjuguer excellence technique, conscience écologique, intelligence relationnelle et sens de l’engagement. Appel donc aux écoles, lycées et toutes les formations hôtelières à repenser leurs cursus, et poussons pour des programmes plus adaptés aux enjeux actuels !
Vous souhaitez mieux former les restaurateurs et cuisiniers de demain aux enjeux de RSE qui rythmeront leur métier ? Rendez-vous sur Impact pour découvrir nos offres d’accompagnement et de formation !
Crédit photo : La Source Bordeaux / Chefsquare @JoyForgas