Les secrets des restaurants Écotable pour allier rentabilité et écoresponsabilité

Aujourd’hui, 9 Français sur 10 attendent des preuves RSE de la part des établissements CHR, et les restaurateurs sont de plus en plus nombreux à s’engager dans la transition écologique. Cependant, dans un secteur en crise et en pleine période d’inflation, ces démarches soulèvent une question centrale pour les professionnels : comment concilier écoresponsabilité et rentabilité? Un pari réalisable, dont les restaurants Écotable sont la preuve. Dans cet article, on explore donc comment transformer les coûts en profits, sans payer en route, le prix de ses valeurs.
Zou Maï
Basé à Bollène, dans une commune rurale, proche d’une centrale nucléaire et où la tendance politique n’est pas au vert, le restaurant deux macarons Écotable Zou Maï a dû, dès ses débuts, user de stratagème pour concilier ses engagements et un impératif de rentabilité. Pour cela, Sophie et Maxime, co-fondateurs de l’établissement ont élaboré une stratégie qui repose sur trois piliers :
Tout d’abord, leur business model est basé sur un prix d’appel très bas, sur le plat du jour, proposé à 13,50€ et en quantité limitée. Tout le reste est à la carte, ce qui permet au restaurant d’accroître sa marge sur les boissons, les entrées, les desserts et d’autres plats plus travaillés. Grâce à cette carte attractive et bien sourcée, Zou Maï parvient tout de même à bénéficier d’un ticket moyen de 25-30€ par client. En cuisine, c’est aussi une stratégie payante, car ce format assure davantage de fluidité pendant le service.
“Chez nous, à midi et demi il n’y a souvent déjà plus de plat du jour, donc c’est un moyen pour nous de faire découvrir le reste de notre carte et d’être plus rentable.”
Ensuite, l’esprit anti-gaspi permet au restaurant de faire des économies non négligeables. L’essentiel pour que cela fonctionne ? Une bonne communication dans l’équipe, et surtout une bonne dose d'ingéniosité pour trouver des manières de limiter les pertes.
“En ce moment on propose en dessert une panna cotta avec une compotée d’abricot. Donc pour éviter de racheter d’autres ingrédients pour le bar j’ai imaginé un cocktail à la compotée d’abricot! Pareil, cet hiver, on proposait un houmous, et on a pu réutiliser l’aquafaba (le jus des pois chiches) dont la texture est similaire a du blanc d’oeuf, pour faire des mousses au chocolat.”
Enfin, la bonne gestion du stock est aussi indispensable chez Zou Maï pour accroître leur rentabilité. À contre-courant de l’adage “le client est toujours roi”, ils n’ont pas peur de produire moins et être en rupture de certains plats pendant le service, quitte à devoir expliquer leur démarche anti-gaspillage aux clients. Une stratégie gagnant-gagnant ! En salle, l’équipe est aussi briefée pour mettre en avant les plats à la DLC plus courte ou qui ont nécessité plus de mise en place, ce qui permet d’optimiser le ROI du travail en cuisine.
Cette triple stratégie s’avère payante, car elle permet aujourd’hui au restaurant de se dégager des marges confortables, sans sacrifier son engagement. Chapeau bas !
“Au mois de mai on a eu notre premier bilan comptable et je suis assez fière de constater qu’on a réussi à atteindre une belle marge brute de 67%. À titre de comparaison, selon notre comptable, les grosses chaînes de fast-food prétendent généralement à environ 70% de marge brute, quand des restaurant éco responsable ou gastronomique qui utilisent des produits de qualité se situent plutôt entre 60% et 65% de marge brute.”
Orgueil
Avec Orgueil , son restaurant 3 macarons Écotable, dans le 11e arrondissement de Paris, le chef et gérant Eloi Spinnler est lui aussi convaincu du lien entre écoresponsabilité et rentabilité dans un restaurant.
“Pour moi, il est beaucoup plus rentable d’être écoresponsable. Notre démarche anti-gaspillage est d’ailleurs l’un des facteurs qui fait qu’on arrive à se dégager des marges suffisantes.”
L’approvisionnement en produits carnés est le poste de dépense le plus important de nombreux restaurants. Au vu des volumes produits chez Orgueil, le restaurant peut travailler sur des carcasses entières, commandées directement auprès des éleveurs. Ceci peut permettre de diviser jusqu’à deux fois le coût matière première, et de mettre en valeur le travail des cuisiniers, qui maîtrisent dès lors des techniques de boucherie et de poissonnerie, tout en évitant également le gaspillage côté producteur.

Une autre stratégie de rentabilité pour Orgueil réside dans le fait d’avoir deux espaces dans son restaurant, ce qui permet d’éviter le gaspillage et d’utiliser au maximum sa matière première. Un espace propose alors une carte saisonnière, qui peut accueillir plus de clients et répondre à une demande de régularité, et un second espace de service permet, lui, d’utiliser les produits les moins valorisés ou en train de s'abîmer. Le restaurant Le Limonadier, à Lyon, propose lui aussi un restaurant avec une carte bistronomique et une carte avec des plats à partager, entre lesquels il répartit ses produits et réutiliser les restes. Avec une carte fixe, il est plus difficile d’éviter le gaspillage, et perte de matière première signifie évidemment perte de rentabilité.
Maslow

“On est un restaurant, pas une association. Le but, c’est quand même que le restaurant soit rentable.“
Chez Maslow, la carte 100% végétale a été un levier crucial pour réduire considérablement l’impact environnemental du restaurant, mais s’avère également être un choix économiquement intéressant. Le restaurant sert à peu près 600 couverts par jour, et pourtant seulement 10% de la clientèle est végétarienne ou vegan. Le secret ? Ce que Mehdi, gérant du restaurant, appelle “les chevaux de Troie”. Par exemple, chez Maslow, toutes les fritures sont vegan. Ceci élève automatiquement le taux de commande vegan, sans même que la clientèle ne s’en rende compte. Et cela fonctionne ! Le restaurant détient aujourd’hui 3 macarons Écotable, et l’équipe a fait calculer son impact carbone il y a peu. Elle recense environ 1,5 kg de C02 émi par couvert, contre une moyenne de 5kg dans la restauration classique.
“ Nous, on n’a pas de sujet de prix. Parce que la recette est créée à partir du produit. Le tout, c’est de trouver un moyen intelligent d’utiliser le produit dans son entièreté. Parce qu’on vous dit que la viande est chère, c’est vrai, mais les légumes ça peut l’être aussi. Par exemple, on prend du petit pois à 10€ du kilo, il y a déjà 30% du poids qui est dans la cosse. Et si on jette la cosse, on augmente systématiquement notre coût matière première. Donc, ce n’est pas parce qu’on est un resto végé que directement on va être blindés. Il faut réfléchir intelligemment, et utiliser la cosse pour faire des dips, des sauces si on reste sur l’exemple du petit pois. Pour chaque recette il faut maximiser l’utilisation du produit, pour faire grimper ses marges”.
Crédit photo : Zou Maï / Albin Durand / Maki Manoukian